Peut-on vraiment apprécier « Dialogues de Bêtes » si l’on ne possède pas un bouledogue ? Peut-on vraiment apprécier « Dialogues de Bêtes » si l’on n’a jamais possédé de chat ? Et lire cet ouvrage quand on a un bouledogue est-il dangereux pour l’intégrité d’un raisonnement qui se voulait non anthropomorphique ? Telles sont les questions que je me suis posées au fil de ma lecture de ce célèbre ouvrage de Colette.
Bien que j’en connaisse l’histoire, je n’ai réellement découvert ce titre que récemment, en recherchant des livres audio pour mes grands-parents. Parmi les nombreux livres retranscrits, se trouvait Dialogues de bêtes, et l’envie m’a soudain prise de me l’offrir pour l’écouter sur mon lecteur MP3 durant mes trajets maison-boulot. Je lis toujours avec délectation dans le train, cette petite demi-heure de perte totale des repères, mal réveillée, secouée doucement par les mouvements saccadés du wagon. A la descente gare Saint-Lazare, je chausse mes écouteurs, enclenche un opéra (en ce moment
La Traviata avec Montserra CABALLE en sublime Violetta) pour marcher d’un bon pas jusqu’au bureau et y parvenir finalement bien dans ma tête, prête à affronter ma journée. Et puis, cette fois-ci, l’idée que l’on me conte une histoire, que l’oubli soit total, m’a poussée à tenter le livre audio. J’ai pensé que Dialogues de Bêtes serait une œuvre idéale, fraîche et joyeuse, que je souhaitais lire depuis longtemps, mais qui par la faute de mille et un autres livres alléchants ne trouvait pas sa place dans ma bibliothèque. Mais je m’égare ! Pour faire plus court, à la suite de l’audition de ces extraits, toute séduite que j’étais, ce volume devait absolument faire son entrée dans ma modeste culture littéraire.
C’est donc chose faite. L’écriture est légère mais sophistiquée, un régal ! Et ce régal est amplifié par mon état de propriétaire de bouledogue français (dois-je rappeler que l’un de ces deux héros est Tobby-Chien, bouledogue Français bringé ?). D’où mon inquiétante lubie, comme écrit plus haut, ce livre est-il dangereux pour la santé mentale des propriétaires de bouledogues ? La description parfaite de ce chien qui n’en est pas vraiment un, de ses postures, de ce caractère unique et propre à cette drôle de race, ajoutée aux dialogues qu’il tient avec Kiki-La-Doucette (chat angora paré de toute l’attitude précieuse du félin), ont eu un effet désastreux sur ma personne. Avez-vous déjà vu la palette d’expressions que le faciès d’un bouledogue possède ? Il est déjà si difficile de ne pas leur prêter une psychologie humaine, mais je m’y étais tenue, point d’anthropomorphisme m’étais-je jurée! Et bien, pour le coup, grâce à Colette, je frise la gagatitude, mais une gagatitude bienheureuse que je souhaite à chacun.
Comment ne pas sombrer dans cette douceur du dialogue que tout à chaucn a pu s’autoriser dans un moment de pur bonheur où l’animal qui est en soi se révèle enfin pour laisser place à l’humain qui est en chacun de nos amis poilus. Je comprends que les saccades du wagon te berce, mais n’est-ce pas vers d’autres cieux, (pardon, je n’ai pu résister).
On dit que Sand avait avec Chopin cet amour gracieux, intellectuel et passionné que tout autorise, même les pires abhérations littéraires, les pires impossibilités intellectuelles, qui finalement nous poussent à des paroxismes extraordinaires. En fait, j’aime à croire que la nature est souveraine dans la manipulation humaine pour se venger des affronts indélicats que lui imposent le biped inconscient de ses limites. Et si cela était vrai, s’ils pensaient plus que nous et que le véritable intellect était la maîtrise de notre petite existence. Grâce serait donnée aux bipeds autres que scélérats d’approcher un semblant de leur vraie nature. Ils nous parlent et nous pouvons entendre, nous, déjà le pied dans l’autre dimension. Etonnant, non ??? et c’est cela la vraie nature du dialogue, d’autres avant nous ont eu l’honneur de tutoiyer ce monde si peu parallèle en fait, merci Colette.