Le Kindle

On se réjouit (ou pas) de cette nouvelle technologie qui, nous promet-on, est l’avenir du « livre ». On lit un peu partout sur les forums des commentaires enthousiastes sur ce nouveau joujou qui devra se trouver une place dans les sacs entre le lecteur MP3, le téléphone portable et le pad. Même les maisons d’édition et les auteurs se frottent les mains, voyant là un objet complémentaire au livre, qui attirera sans nul doute de nouveaux lecteurs jusqu’ici récalcitrants. Soit, peut-être, qui sait ?

kindle Au-delà de l’évidence de l’isolement exacerbé qui est une des conséquences de la multiplication de ces gadgets numériques, au-delà des questions écologiques, au-delà des arguments financiers (il est certain qu’à 400 $ le Kindle, l’accès à la culture pour tous, face à des livres que l’on peut dénicher pour 1 €, c’est pas gagné !), et au-delà de la vision esthétique de « la chose » (un design sincèrement loupé pour ce nouveau bidule), je souhaite juste vous ouvrir mon point de vue purement viscéral d’une amoureuse de la littérature, et rappeler par le truchement de ce sujet le bonheur de flâner dans une librairie, l’échange avec le commerçant passionné, la sensualité de toucher du bout des doigts les piles de livres, le frottement de la paume sur une couverture, le doux petit vent parfumé qui s’échappe des pages feuilletées, le plaisir de mirer une bibliothèque remplie des ouvrages qui nous ont fait frémir. La joie de passer ce livre à un être qui vous est cher, parce qu’il vous a ému et que vous souhaitez transmettre cette émotion, avec quelques griffouilles en marge pour attirer son attention. Le livre est aussi un contenant à mes yeux c’est là que commence le charme de la lecture. Et que dire d’un livre ancien ? On peut trouver tant de choses dans un livre.

Mon grand-père m’a remis une anthologie de la poésie, livre de chevet de ma grand-mère disparue il y a quelques mois. Au fil des pages j’y ai trouvé des fleurs séchées (des roses de son jardin), des lettres que je lui avais écrites, des cartes postales de fleurs (sans doute en vue de s’exercer à son aquarelle), des petits morceaux de papier sur lesquels elle avait recopié des textes qui de toute évidence méritaient à ses yeux d’être conservés. J’ai appris beaucoup sur elle en feuilletant ce gros ouvrage sur mon lit, moi qui pensais tout connaître d’elle, j’ai pénétré une part de son monde intime. J’ai touché toutes ces pages avec émotion en pensant à ses mains qui les avaient effleurées, un peu comme si à travers elles nous reprenions ce contact coupé trop brutalement sur un lit d’hôpital. J’ai serré dans mes bras ce volumineux ouvrage aussi fort que j’ai pu, j’aurais voulu y pénétrer toute entière et qui sait, la voir se matérialiser soudain au détours d’une page.

Alors, je les glisse où mes petits souvenirs dans mon gros Kindle ?



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7 réflexions au sujet de « Le Kindle »

  1. Nul doute que tous moyens mis en oeuvre pour ouvrir à la pensée ou dans une moindre mesure à la connaissance de plus de 50 mots de vocabulaire devraient être reçus avec un grand bonheur et de l’espoir. Bon cela étant dit, un moyen à 400 US$, pas certain que la population qui pourrait en avoir besoin se jete dessus. Mais non pas par manque, car 250 euros dans les portables, « ça le fait » plus facilement que 30 euros dans un vulgaire bouquin.
    Je n’ai compris qu’à la fin où tu voulais en venir et je te comprends finalement, car même en dehors de cette intimité filiale, il est parfois des rencontres par livres interposés, qui invite le lecteur à plus de rêves encore que le sujet propre traité.
    Que ce sentiment si simple peut être si bon, … n’est-ce pas !

  2. J’aime à lire que tu n’as pas vu de suite où je t’emmenais, cela me laisse penser que je ne te suis pas encore prévisible. Voilà qui laisse présager de savoureuses rencontres…

  3. Et moi qui ai déjà du mal avec les agendas électroniques ! Comme le dit PJ cette nouvelle techonologie ne sera pas accessible pour celles et ceux que ça pourrait intéresser voir aider (notamment afin d’élargir leur language « SMS »). Même si la tendance est au virtuel et aux e-mails, j’ai besoin du contact avec le papier. C’est parfois avec des yeux ronds que l’on me regarde lorsque j’avoue, à un cercle d’initié relativement fermé, que j’écris encore des lettres sur du joli papier. Serais-je anachronique ?

  4. Dans « Libération » d’aujourd’hui (p. 34), non seulement on découvre l’engin – vous avez raison : inodore et sans saveur -, mais en plus on apprend qu’il a déjà un petit frère et néanmoins rival, prénommé Bookeen (en français dans le texte)…

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