Je fais partie de ces personnes pour qui une rencontre avec un semblable, pour peu qu’elle soit enrichissante, vaut tous les présents du monde. Que cette personne soit un Monsieur-tout-le-monde ou non, n’y changera rien. J’en ressortirai heureuse comme une enfant ayant reçu la poupée de ses rêves. Dans ma petite vie de Vilaine, j’ai eu la chance de faire ce genre de rencontres à plusieurs reprises, parce que j’ai provoqué cette chance sans même y penser, sans planifier, il y en a une plus que marquante que je ne vous ai jamais racontée, c’était il y a un an, après avoir laissé un message exprimant mon admiration sur le site du sculpteur Aurèle, cet artiste trop méconnu à mon sens m’a proposé une rencontre lors de son passage à Paris.
J’avais un rendez-vous rare le 24 octobre 2007. Si rare, que j’y voyais un signe (je me libère de mes croyances idiotes). J’avais un rendez-vous avec un être humain dont j’admire particulièrement le parcours et le travail. J’avais un rendez-vous dans une rue parisienne, depuis plusieurs jours je m’interrogeais sur le pourquoi, pourquoi cet inconnu connu acceptait de déjeuner avec une Vilaine inconnue, pourquoi avait-il ouvert son agenda pour perdre un peu de temps avec ce petit moi ? Un simple mot laissé sur son site lui a donné envie de me rencontrer. Fou… Démesuré…
Et puis au fond pourquoi pas ?
Enfin me voilà prête, j’expédie les dossiers urgents afin de libérer mon après-midi, ne voulant pas regarder ma montre durant tout le repas et gâcher les mots échangés par l’inquiétude d’un retard au bureau, je donne mes instructions pour la fin de journée, enfile ma veste, attrape mon sac et y jette mon téléphone portable, lance un au revoir déchargé de regrets et disparaît de la vue de mes collègues. Je suis presque en retard et enfile donc couloirs et escaliers avec dextérité jusqu’à la lourde porte de l’immeuble. Je réalise que j’ai rendez-vous dans une rue, mais qu’elle est longue cette rue. Je tapote donc sur le clavier de ma machine à cancer du cerveau afin de joindre ma rencontre, que je ne suis même pas certaine de reconnaître à vue. Répondeur… Ne tirons pas de conclusions hâtives, il est sans aucun doute en route, et n’a pas allumé son téléphone.
Ne souhaitant pas me voir demander mes tarifs, je décide de ne pas rester sur le trottoir, et fais à grandes enjambées, quelques aller retours dans la rue, des numéros pairs je passe aux impairs, regarde les vitrines, profite du soleil.
Nouvelle tentative téléphonique… Répondeur… Sans doute ne s’est-il pas réveillé après une nuit agitée. Je laisse un message.
J’ai faim. Toujours dans la même rue, de peur de rater l’inconnu connu, je m’achète une bouteille de thé glacé pour étancher ma soif et caler un peu mon estomac.
J’ai froid. Il est évident qu’il ne viendra pas, qu’il n’appellera pas pour s’en excuser, mais je reste dans cette rue, à regarder avec insistance toute personne semblant perdue et ayant un vague air de ressemblance avec les quelques clichés que j’ai pu voir. Voilà que je passe pour une fille un peu trop ouverte vis-à-vis de tous ces passants, c’est malin, vais-je donc rester là idiotement ? A quelle heure vais-je me rendre à l’évidence ?
Je rappelle… Répondeur… Je laisse un message, indique que je sais qu’il ne viendra pas et que je m’en vais donc manger.
Oui c’est raté pour cette fois, mais à ma grande surprise, le lendemain il me rappelle, la veille c’était son anniversaire, trop d’excès, trop tard, il ne s’est pas réveillé et me propose de nous voir aujourd’hui. A la fois ravie et un peu dépitée (j’aurais bien moins de temps à lui consacrer n’ayant pas la possibilité de prendre deux fois de suite une demi-journée) je conviens d’un rendez-vous à déjeuner. A midi pétante, je descends sur ce même trottoir qui m’a vue la veille totalement frigorifiée. Dix longues minutes plus tard, un scooter pétéradant passe devant moi et me crie « La Vilaine ????!!!! », oui c’est lui, c’est bien Aurèle le sculpteur qui descend de sa monture, ôte son casque et m’embrasse comme une vieille amie. Je n’ai pas l’âme d’une groupie, cependant mes jambes sont un peu coupées, car au fond qu’ai-je à dire à cet homme qui ne lui ait pas été dit mille fois.
Durant tout le déjeuner je fais donc l’éponge, j’écoute tout ce qu’il a à raconter, sa fascinante vie d’artiste, celle qui me fait frissonner et que je n’aurais jamais. Son parcours houleux en France, son exil en Chine, son énorme projet de musée pour l’exposition universelle de Shangaï (projet qui me touche particulièrement puisqu’il se veut un musée pour les générations futures, musée regroupant tout ce qui aura disparu par la folie de l’homme). Lui s’interroge sur ma vie, comment puis-je me lever chaque matin pour aller travailler, comment puis-je supporter la routine ? Pourquoi ne pas tout lâcher pour vivre réellement mes passions ?
Je m’en sors mollement, comment lui répondre, il ne comprendrait pas.
Nous repartons joyeusement, moi la tête pleine d’une culture nouvelle, qu’il m’a offerte très simplement, sans même se rendre compte du cadeau qu’il vient de me faire. Des promesses idiotes sont échangées, promesses qui disparaissent au moment même où elles sont formulées, comme des amis de vacances qui s’assurent de se revoir sur Paris mais n’en feront jamais rien, le tourbillon de la vie reprenant ses droits. Mais ça m’est indifférent, car je viens de vivre un moment rare, je viens d’avoir un si joli cadeau que je n’ai guère besoin de plus et coïncidence ô combien troublante Aurèle le sculpteur, vient de donner tout son sens à une citation de Marc Aurèle « par mes pensées je crée le monde dans lequel je vis ».
(Photographie : The Lost Dog Building projet d’Aurèle pour l’exposition universelle de Shangaï)
Que de plaisir me suis-je refusé, de t’abandonner ainsi tant de mois sans te lire. Moi aussi j’ai rencontré Aurèle, où, mais en te lisant ma chère 😉
PJ
Et que de plaisir tu m’as refusé en m’abandonnant ainsi ! Tu m’as manqué PJ…
J’adore ce texte vilaine ^^, la description de la rencontre est parfaite entre l’artiste et une admiratrice de ses sculptures. Je suis tombé par hasard sur votre blog et j’aime bien votre écriture.
Mais à ce que je vois, vous écrivez rarement, en fait vous écrivez là on vous emmène votre inspiration tel les feuilles en hiver !!!!
Bonne continuation vilaine et pensez une chose : vos passions, n’oubliez jamais vos passions.
Bonjour je suis tombée sur votre blog en cherchant le site du sculpteur Aurèle, s’il en a un. Je serais enChine l’année prochaine et je voudrais prendre rendez-vous avec lui, avez vous une adresse Email à me communiquer ou bien celle d l’architecte scali? je suis journaliste vivant à Montréal. Merci beaucoup, Anne
Bonjour Anne,
Vous avez dans mes liens à droite, le lien direct sur le site officiel d’Aurèle. Je vous souhaite une agréable rencontre avec cet artiste d’exception.
Hé hé ! Je sais tout maintenant. J’y ai eu droit aussi 🙂
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