L’éléphant s’évapore et La Vilaine aussi…

En m’offrant ce nouvel ouvrage d’Haruki Murakami je n’avais guère prêté attention à sa forme. Mon rituel habituel de sélection littéraire (voir fringale littéraire) n’a en effet plus lieu d’être lorsque j’ai été toute tourneboulée par un auteur. Dès lors ce n’est plus que le nom de l’écrivain qui emporte mon choix. Haruki Murakami m’avait été chaleureusement présenté par un collègue de Trouble Obsessionnel Compulsif de Lecture et le premier roman déniché (« Kafka sur le rivage ») m’avait procuré un tel bonheur, me plongeant dans une littérature ovniesque et réjouissante, que lors de mon dernier hold-up livresque, j’avais, telle une somnambule tendu mes petits mains à la faculté préhensible vers un autre ouvrage de ce Japonais, sans plus de réflexion, l’oeil fermé, le cervelet bien content de ne pas être torturé par sa patronne.

Or, s’il est une forme à laquelle j’adhère rarement, ce sont bien les nouvelles. Comme une sale gaminette à qui l’on offre un petit carré de chocolat pour « goûter », mes papilles gustatives réclament en frétillant toute la tablette. Si dans la vie je suis parfaitement capable de déguster de courts plaisirs, en littérature comme en nourriture, je suis insatiable.

Infographie par La Vilaine

Quel ne fut donc pas mon désappointement quand, confortablement calée entre mes oreillers, j’ouvrai « L’éléphant s’évapore » et constatai dans une moue enfantine qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles… Mais parole de Vilaine, jamais je n’ai refermé un livre entamé sans l’avoir terminé. Respect de l’auteur, vain espoir d’une bonne surprise finale, je finis si je commence (d’accord, il faut une exception pour confirmer toute règle et mon exception ici est : « 99 Francs » que, malgré tous mes efforts de concentration, de mise en état de mon esprit, d’indulgence, j’ai stoppé brutalement à mi-lecture dans un grand soupir d’agacement).

Mais revenons-en à nos éléphants. Je lisais donc sans conviction ces nouvelles, pensant que l’univers de Murakami mérite encore plus qu’un autre un développement impossible dans la courte forme des nouvelles, cet univers flirtant avec le surréalisme, les fins plus qu’abruptes de chaque récit me laissaient sur la mienne (de faim). Je fis donc quelques pauses, dévorant rapidement des petits pamphlets anciens (connaissez-vous mon amour immodéré pour les petits pamphlets humoristiques du 19ème ?) entre deux nouvelles.

Quand au détour d’une page, l’une d’entre elles, tapota à l’entrée de ma conscience, résonnant comme un gong zen dans les tréfonds de ma conscience. « Sommeil » manie l’ubuesque cher à Murakami tout en traitant de deux sujets Ô combien chers à ma vie. L’insomnie et la passion démesurée de la lecture. Bien que délicat, je vais tenter de vous en livrer l’essence. Une femme au foyer, mariée, mère dévouée souffre soudainement d’une étrange insomnie, laquelle, loin de l’épuiser comme il se devrait, lui procure force et cure de jouvence. Toutes les nuits, une fois son mari endormi, elle s’installe sur son canapé, se sert un verre de cognac et lit toute la nuit durant, renouant avec une passion que le manque de temps avait laissé s’évaporer.

De ces retrouvailles, en ressort un nouveau regard sur sa vie, une ouverture nouvelle sur le monde… La métaphore est sans doute grossière mais elle me susurre à l’oreille les délices de la lecture et je me prends à rêver qu’à mon tour disposant d’un temps infini, sur mon canapé, un verre de cognac dans ma main gauche, un livre dans la droite, je m’évapore…

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