Pour connaître les difficultés à faire connaître (justement !) un ouvrage sorti d’une petite maison d’éditions, fut-elle pleine d’énergie, j’ai déposé ma candidature pour être actrice du site les-agents-litteraires.fr.
Leur but ? Promouvoir des livres qui ne bénéficient pas d’une armada d’agents et de commerciaux.
Le principe ? Solliciter des bloggeurs amoureux de littérature et prêts à recevoir, lire et critiquer des livres « inconnus ». Les critiques sont alors publiées sur leur site, mais également sur des sites tels que Babelio.com ou Libfly.com, et sur le site du bloggeur s’il le souhaite.
Le bonus ? Recevoir des livres pour nourrir ma bibliothèque insatiable !
Autant vous dire qu’à la lecture de leur page d’accueil, je trépignais d’envie de participer ! Quelques temps plus tard, je reçois une missive de leur part me proposant ma première critique, un recueil de nouvelles (la vie est une succession de coïncidences aussi étranges qu’heureuses). Voici donc le billet qui vient d’être ajouté sur le site.
Je suis toujours un peu réservée lorsqu’il s’agit de juger un livre traduit, me demandant si la traduction peut réellement rendre grâce à l’original. En acceptant de recevoir «A travers les glaces», recueil de la nouvelliste Indonésienne Djenar Maesa Ayu, j’ai choisi de faire fi de ma frilosité sur ce point et de l’accepter tel que traduit, puisque, au fond, c’est ainsi qu’il sera acheté par la majorité des lecteurs. De plus, même si je ne parle pas un traître mot de cette langue, le fait que le livre soit bilingue me laissait penser que je pourrais en jetant un oeil sur le phrasé original, juger un tant soit peu du respect syntaxique.
Pour être totalement honnête, je n’ai pas été conquise dès les premières lignes. Si la prose est rythmée par des répétitions évoquant des mantras «gémissements longs, gémissements courts. Phrases longues, phrases courtes. Longs soupirs, soupirs courts.» l’écriture est simple et le vocabulaire peu recherché. Cependant, si l’écriture peut paraître un peu légère voire naïve, le fond, et ce pour chacune des dix nouvelles regroupées dans ce recueil, est profond.
Le fil conducteur qui les lie entre elles, est un des points forts de ce recueil. Le miroir, cette obsession de l’image et en conséquence le rapport psychologique et personnel à icelle, est savamment exploité, sous toutes ses formes. Rapidement, ce fil m’a intéressée, au point de piquer ma curiosité en passant d’un récit à l’autre pour y découvrir quelle facette de ce rapport allait émerger de la nouvelle suivante. De la dysmorphophobie à la haine de soi, en passant par l’héritage génétique, tout y est traité avec un mélange de gravité et d’humour noir.
On découvre également assez vite qu’en plus de ce fil rouge du reflet, les sujets sur les douleurs liées à l’éducation, la sexualité libérée ou contrainte, et la consommation comme dérivatif d’une vie solitaire, tiennent particulièrement à coeur à l’auteure qui égratigne les instincts sexuels masculins sans pour autant confiner les femmes dans un rôle de victime perpétuelle.
Dans «le savon de toilette», elle effleure avec maîtrise le surréalisme et prête à la table de chevet et au miroir d’une chambre d’hôtel des dialogues croustillants :
«- Tu ne t’es pas planté, le Miroir. Tu avais raison.
Qu’est-ce que tu veux dire La Table ?
Il n’a pas joui dans son vagin. Il a joui dans sa bouche !»
et l’on regrette qu’elle ne s’y lance pas totalement, comme dans «Ils disent que je suis un singe !», préférant alterner ces échanges avec un récit plus classique d’adultère.
Ce recueil se lit vite et sans effort, on y sent une patte féministe et engagée (les personnages masculins sont d’ailleurs peu développés) qui reste au service du récit, une modernité dans l’écriture qui rend le tout accessible au plus grand nombre mais peut décevoir ceux qui recherchent un style plus littéraire, plus éloigné du langage courant.
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