Sa main ne tremble pas, la lenteur de son geste n’est liée qu’à la fascination hypnotique, au plaisir extatique, de découvrir la brillance de la lame tranchant avec celle, bien plus terne, de la carnation. Elle n’a pas vraiment choisi ses instruments, ils étaient déjà présents, attendant patiemment qu’elle s’en saisisse dans un moment d’égarement.
Du bout des doigts, elle inspecte le corps, cherche avec calme l’angle à respecter, la pression à appliquer, d’un petit toucher-palper, elle évite les veines, les nerfs, les artères. La vapeur d’eau qui se dégage du robinet chargé d’écouler les humeurs, masque idéalement la réalité de ses agissements. La vacuité de son regard trahit celle de son esprit, la concentration permet de ne pas perdre la raison. D’une main elle tourne une jambe, cherche les cicatrices comme les pointillés d’un pantin pré-découpé, elle s’applique à les suivre, mord ses lèvres et enfonce d’un coup sec la lamelle. Elle découpe la chair avec application, prenant garde de ne pas l’entailler trop profond. Elle contemple la couleur créée par le sang qui affleure, étire le trait parfait de la plaie, regarde l’hémoglobine qui glisse le long de la cuisse, constate avec incrédulité la preuve de vitalité. Elle se dit qu’elle pourrait être chirurgien, que tout cela ne lui fait rien, que le rouge lui va très bien.
La tête lui tourne soudain, la nausée lui vient, ses jambes ne la portent plus. Elle glisse sur le sol, pose la tête contre le carrelage froid de cette salle glaciale, augmente le débit du robinet, noie sa nuque en nage sous le jet. D’un geste brusque elle jette sa tête contre la paroi, une fois, deux fois, trois fois, cent fois. Sa gorge se serre, les yeux lui brûlent, elle tourne le mitigeur un peu plus vers l’extérieur. Sa vue s’embue, elle perd pied, sent les larmes couler. Elle lâche tout sur le dallage, tremble et hoquette, explose et frappe, griffe et arrache, s’éparpille en petits morceaux.
Elle sort de la douche, range soigneusement le couteau, essuie ses larmes, éponge le sang, affluent d’un corps vivant. Elle enfile calmement ses vêtements, se remaquille légèrement. Elle est fatiguée, incroyablement épuisée, toute violence l’a quittée, elle a tout évacué… Pas comme tout le monde, pas sans honte, par la violence et par la bonde.
A la tienne, sans honte, par la violence et par la bonde… Schotché
Cul sec en ce cas !
Rien en trop ! Scarification réussie…
Merci Pascale pour cette jolie formule (et merci de prendre le temps de passer par ici).
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