Si je n’emploie que peu de grossièretés sur ce blog (je m’en suis expliquée ici), je ne peux qu’admettre que quelques grammes de verbes orduriers dans un monde de finesse permettent de rendre compte au plus juste d’un ressenti frisant la réaction animale, et ce, dans deux types de circonstances précises : l’incrédulité enjouée et l’ineffable douleur…
Illustration par l’exemple : pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps (autant dire que c’est récent), alors que devant témoin, je me cognai un cinquième orteil gauche (déjà plus bien droit pour cause d’ancienne fracture non soignée) dans le traître chambranle d’une porte pourtant fort large, j’aurais adoré couiner avec retenue un : « Diantre, quelle terrible douleur irradiante. Quelle méchante maladresse m’a conduite à léser mon mignon orteil qui à présent me cuit… » afin de conserver toute la superbe de ma réputation, mais, allez donc savoir pourquoi, au lieu de ça j’ai beuglé un : « Putain de bordel de merde de saloperie de porte ! » tout en sautillant sur le pied épargné et en tenant fermement de mes deux mains l’orteil endolori (geste à visée antalgique à la résultante parfaitement infructueuse, mais dont l’effet placebo n’est plus à démontrer).
En relisant les deux propositions du texte ci-dessus, le lecteur se rendra à l’évidence : si, d’un point de vue linguistique, la première est plus belle et peut sans conteste convenir à un jeune public ; la seconde quant à elle, rend bien mieux compte de toute l’intensité de l’élancement palmaire et de la soudaineté de sa survenue, et provoque alors une réaction du témoin de l’ordre de l’empathie qui (sauf à ce qu’il soit totalement dénué de cœur) l’amènera à se lever pour constater l’étendue des dégâts (sans doute en réprimant un petit rire nerveux, mais qui pourrait lui en vouloir ?).
Je ne suis pas loin de mettre ma main à couper (je ne suis plus à ça près depuis la perte de mon orteil), que l’emploi convenant de « Mince, diantre » et ses politesses similaires, ne ferait pas bouger mon témoin d’un seul doigt de pied…
N’oublies-tu pas une troisième circonstance ? La joie, le plaisir, qui te tombent sur le coin de la… margoulette, comme ça, sans prévenir. Comme ceux que j’ai à lire tes billets et qui s’ils ne me font pas déverser un flot d’éructations gauloises sur tes écrits ce n’est que pour mieux réserver de jolis qualificatifs fleuris pour leur auteure.
En effet, et j’ajouterai qu’un compliment avec du « putain » de dedans, comme dans « quelle putain de belle photo ! » par exemple, peut parfois on ne peut mieux illustrer tout le ravissement ressenti. Pascal, c’est ma façon de te dire merci.
En effet je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire te connaissant….dans ce contexte moi j’aurai même dit « putain de bordel de merde à queue » une expression employée très souvent par les gens du sud entre autre….
et qui n’a jamais dit « putain que cette plage par exemple est fantastatique!!!!!
Bon rétablissement à ton petit orteil, petit si si et je suis fière de voir qu’à nouveau tu nous fait partager avec humour et délice tes connaissances et ton appétit de toujours enrichir celles-ci, je t’embrasse,
Mounette
S’il y a quelque chose que, a ma connaisance, toutes les langues du monde envient au francais, c’est bien le « de ». Nul part ailleurs je n’ai trouvé d’equivalent de cette petite particule parfois nobiliaire pour tisser un chapelet de jurons ad lib que l’on égraine jusqu’a liberation complete de la frustration malvenue! C’est autre chose que les 4 petites lettres utilisees ad nauseam par nos amis etasuniens…
Et ça cause de grossièreté alors que je vais bientôt débarquer. Diantre, on aura eu cette conversation il y a un an, déjà…
J’apprécie votre humour et votre spontanéité. Écrire à propos du quotidien et de façon littéraire représente un tour de force, surtout s’il y a continuité.
Merci mille fois. Voilà un message que je relirai à chaque moment de doute.
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