
Aldo Walker
Hier, je suis allée voir une amie danser.
Je regardais sa jambe, parfaite jusqu’au pied, se tendre à en toucher le ciel. J’admirais la grâce simple et naturelle de chacun de ses gestes. Et puis, soudain, elle s’est effondrée dans un craquement. Je me suis précipitée pour la relever mais elle m’a priée de ne surtout, surtout pas la toucher.
Elle m’a dit : « Regarde bien, mon corps est sectionné en trois : mes jambes avancent mais mon cerveau reste là. Sur ce, mon tronc, lui, ne sait pas bien où il va. Regarde bien ce que tu prenais pour de la grâce, vois-tu ? Ce n’est que la dislocation de mes articulations. Alors, non, surtout, ne me touche pas. Si tu le faisais malgré moi, si tu venais me relever avec la même douceur que celle que je viens de lire sur ton visage, mon coeur n’y survivrait pas. Il est déjà de trop ce regard, il est déjà trop beau.
Comprends-tu ? Je suis faite de culpabilité, enrobée de timidité. Je fais des ronds de jambe et j’évite la douceur parce qu’elle me touche en plein coeur, qu’elle me fait perdre pied. Et pour danser, j’ai besoin de mes pieds… »
Je l’ai donc laissée ramasser ses jambes, son cerveau et son tronc, je suis restée à bonne distance. Je lui ai fait confiance pour emboîter le tout comme il faut. Et puis je l’ai regardée. Elle s’est relevée et j’ai dansé avec elle, sans jamais la frôler.
Ces petits textes lus dans le bus 47 sont un vrai délice.
Merci Annie !
Je ne suis pas certain d’avoir tout compris… Je l’ai lu et j’ai été intrigué sans vraiment savoir pourquoi… alors je l’ai relu… et j’ai été ému sans vraiment savoir pourquoi… alors je l’ai lu de nouveau et maintenant je sais pourquoi…
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