
Des fleurs en salade
Elle m’a regardée avec cet air des hivers qui n’en finissent pas. Elle m’a dit que bientôt viendra le froid, qu’il est presque déjà là. Que le soleil a la flemme, qu’il est comme la lumière du frigidaire, qu’il ne la réchauffe pas.
Elle m’a regardée préparer la salade, y lancer une poignée de fleurs, elle a dit d’en profiter que c’était peut-être les dernières brassées que je pourrais trouver au fond du potager.
J’ai essuyé mes mains.
Je les ai posées sur les siennes et je lui ai dit, d’une traite, sans respirer pour ne surtout pas la perdre :
« On trouvera d’autres soleils auprès desquels se réchauffer, des flambées brûlantes, des couvertures dans lesquelles s’emmitoufler, on mettra des pulls en poils de yak, des pulls plutôt que des sweats parce que les pulls doux et confortables invitent mieux les câlins et on continuera de se bercer dans nos hamacs avec bonnet et écharpe, on fera des conserves d’été, de ratatouille, de bonne tambouille, des coulis de tomates fraîchement ramassées, on les ouvrira quand on aura trop froid, on sera en été rien qu’à les respirer, les jours seront courts mais on aura un temps infini pour profiter de la nuit, observer la lune et les étoiles, dans nos têtes, tu verras, on mettra les voiles ».
Elle a souri, sans doute à cause des poils de yak glissés pour l’amuser, et s’est assise avant de brasser la salade.
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