
ça attendra
…qu’on se couche.
Tu la connais cette phrase ? Bien sûr que oui, tu la connais et tu te l’es souvent répétée à la suite de certaines journées. Des journées comme celle-ci, où toute taupinière est une montagne, où toute fourmilière est un Everest : montagne de linge, montagne de vaisselle, montagne de paperasse, montagne de bordel, montagne de taf, montagne d’emmerdes. Ah ? Tu la connais cette journée ?
Une journée où tu te demandes bien comment tout caser dans les 1440 minutes qu’elle contient, une journée où tu ne vois plus très bien comment jongler avec toutes ces balles, où tu ne vois plus le bout du chemin, le bout du tunnel de ce Mont Blanc qui te nargue là-bas au loin, une journée qui n’avance pas, une journée qui donne l’impression d’en contenir des milliers et d’accumuler à elle seule un retard que tu mettras des mois à rattraper.
Alors tu n’as plus qu’une envie, en finir avec celle-ci, et tu te dis : « Vivement ce soir qu’on se couche » en espérant demain.
Oui, tu la connais bien cette phrase, lecteur débordé, lecteur fatigué, lecteur surmené et souvent malmené.
Tu la connais bien cette journée, tout le monde la connait.
Laisse-la filer cette journée, laisse-la couler plutôt que de penser qu’elle peut te couler. Prends-la à l’envers sans te la faire à l’envers : lâche-la cette journée, laisse-le cet évier, pose-toi tout-à-trac là où tu es sans plus regarder le merdier, pose ton derrière altier sur le plancher et pense à tout ce que tu as fait avant d’arriver à cette journée.
Revois le chemin avalé, tous les obstacles déjà sautés sans te vautrer, toutes les fois où tu as pensé ne jamais y arriver, toutes les fois où tu avais largement de quoi paniquer.
Tu vois ? Il y en a eu des tas. Des tas de journées bien pires que celle-là.
Tu vois ? Tu es venu à bout de tout ça, tu avais juste oublié.
Elle est petite cette journée, elle ne va rien faire dérailler, ni ton train ni tes rouages, et encore moins ton courage.
Elle est bénie cette journée pour peu que tu cesses de lutter, pour peu que tu l’acceptes comme elle est, que tu ne cherches pas à la dompter et que tu en profites pour regarder. Pour regarder d’où tu viens et tout ce que tu as déjà fait.
Vivement ce soir qu’on se couche, disais-tu ? Non, vivement ce soir qu’on prenne le temps de bien tout regarder.
👏👏👏👏👏
Fort bien dit. Je suis d’accord ! Un sujet ayant peut-être l’air de peu de chose, mais qui sous-tend, à qui sait lui tendre la main ou l’esprit, son pesant de potentialités.
Lutter, peiner, forcer, dans un asphyxiant surjeu est souvent le synonyme à se faire sombrer au fond de son propre vase clos. À me laisser emmuré sous sas étanche dans la sombre calebasse tressée et cadenassée du sac à ressasser…
Alors que, par la contemplation fondatrice du rêve comme de toute action légère, un clac-qui-ne-ment (de doigts) m’emporte déjà avec elle, vers un pays lointain que jamais je n’aurais pensé pouvoir atteindre !
Il n’y a qu’à pelleter vingt tonnes de sables pour s’en persuader :
Je pelletais sans fin. Inlassablement. Emporté et soutenu par l’élan positif de quelques pensées affilées. La forme du tas c’était depuis si peu modifiée… La vacuité du travail fourni ? Et bien non petite fourmi, car le sable fondra enfin sur sa dernière longueur ! Il récompensera toujours ta langueur 🙂
C’est donc par le truchement de La Parole de Vilaine que j’apprends la publication de ton roman.
Visite rituelle et anodine sur ce média pas social – seule espèce qui m’est devenue tolérable – qui suscita moult émotions dans mon cœur si sensible.
Une dizaine de jours auront été nécessaires pour que la vague des sensations et souvenirs se retire et me laisse cette seule chose évidente que j’ai aujourd’hui envie de te dire :
« Félicitations Belette »
Et l’émotion à mon tour de me saisir en te voyant revenir… Heureuse de te lire ma Belette