Confinement avec et sans

Je n’ai pas écrit depuis longtemps, la faute au confinement.

On nous dit que c’est le parfait moment, il n’en est rien, l’inspiration, ça s’aère, en tout cas pour ce qui me concerne, moi.

Et t’écrire pour te dire quoi ? Te parler, comme tant d’autres, de ce confinement que tu vis tout comme moi, enchaîner les lapalissades et les lieux communs, les conseils avisés ou désabusés, jusqu’ici, ça ne m’inspirait pas franchement.

J’ai alors eu envie de te dire qu’il y avait des jours avec et des jours sans.

Les jours avec, où je parviens à voir tout ce que nous vivons d’unique, ces jours où je pense qu’il y a beaucoup à apprendre, à profiter parce que, malgré toute la tristesse de la situation, il y a ici un espace temps unique qui crée des moments magiques que nous n’avons jamais vécus auparavant et que nous n’aurons sans doute (j’espère) jamais à vivre à nouveau.

Les jours avec j’observe le chat comme un disciple trop agité observe son maître en glandage, ce chat qui dort, s’étire et se relève pour se recoucher en suivant les rayons du soleil, ce roi incontesté de la procrastination.

Les jours avec j’écoute la nature, j’écoute le vent, je me remplis de l’espoir qu’il y a ici l’occasion unique de tous redémarrer à zéro, nouveau monde, monde nouveau, monde qui s’éveille et comprend, certes douloureusement, mais qui comprend que l’ancien devait s’éteindre et qu’il était grand temps.

Les jours avec je me réjouis de tout ce temps avec mon enfant, avec celui qui était jusqu’ici l’homme de la nuit et qui est là, depuis, le jour aussi, je partage des apéros balcons, des voisins qui chantent à tue tête, je profite de ces présences, j’observe, j’enregistre, je photographie au secret de mon esprit et contre toute attente, je me réjouis.

Les jours avec je reprends foi en l’humanité, avec toutes ces belles actions de solidarité, cette entraide, cette écoute, la mise en place de tant de ressources pour s’aider les uns les autres à supporter l’isolement.

Les jours sans, la fatigue morale et physique vient me rappeler que la charge mentale a rarement été aussi élevée, pour celles qui, comme moi, travaillent encore, il faut ajouter à son éventail de mère-travailleuse-gestionnaire-économat-cuisinière, la tête ailleurs, la plume de maîtresse d’école, avec des enfants qui peinent à se concentrer, comment le pourraient-ils quand, moi-même, je rame pour me mettre sur un dossier ? Comment le pourraient-ils quand, moi-même, je peine à rassembler mon esprit sur le quotidien dans ce climat anxiogène et incertain ? Quand moi-même je ne parviens pas à écrire une ligne ?

Les jours sans je trouve tout indécent, fêter mon anniversaire, continuer d’instaurer une normalité dans un monde qui n’a plus rien de bien normal, se bagarrer pour les devoirs, travailler, tout paraît futilité tant on ignore tout ce qui viendra après.

Les jours sans, je regarde ce monde qui a basculé en si peu de temps avec incrédulité : les rues vides, les caissières masquées, les soignants qui se battent contre le vent, les photos de ces dernières vacances qui semblent n’avoir jamais existé.

Les jours sans, je regarde mon fils s’endormir en me demandant ce qui restera pour lui, après tout ça.

Dans ce confinement, il y a des jours avec et des jours sans…

Dans un monde idéal, nous pourrions laisser couler totalement les jours sans, envoyer des mots d’excuses à la maîtresse et aux clients, leur dire que, aujourd’hui, franchement, ce n’est pas le moment et fermer les écoutilles en attendant les jours avec, qui, pour ma part, restent beaucoup plus nombreux que les jours sans.

5 réflexions au sujet de « Confinement avec et sans »

  1. Bien sûr qu’il y a des jours avec et des jours sans. En ce qui me concerne cet aspect n’a pas changé. Par contre la valeur des « avec » ou des « sans » s’est modifiée. Les « sans » deviennent peu importants parce que je suis tout seul et que personne n’est impacté par mon humeur et pour ce qui est des « avec » alors là, Bingo, ils me transportent, ils me vivifient, ils me confortent dans la perception du nouveau monde à un point que j’ai l’impression de dérailler. Cette nuit, j’ai rêvé que je faisais une course de vélo, confronté à des coureurs jeunes et plus performants que moi. Dans une longue côte j’ai fait un démarrage, je les ai distancé et je n’en revenais pas, surtout, surtout… que je n’avais pas de guidon, juste cette puissance folle en moi de pédaler et de creuser mon avance. Puis arrivé à la presque fin du premier tour, un commissaire de piste (genre William Lémergie, tronche de premier de la classe) était incapable de m’indiquer la route à suivre. Arrêté, je perdais le précieux temps d’avance, je pris la décision d’arrêter la course, estimant que pour ma part j’avais gagné. Je retiens de ce rêve que je suis capable d’avancer, que je n’ai aucune maîtrise (pas de guidon) et qu’il y a encore des barrières à la réussite totale mais que ce n’est pas grave puisque je fais de mon mieux.

    • Ton rêve est très très intéressant… C’est curieux, moi qui ai toujours énormément rêvé, trop même, avec ces rêves qui te laissent un goût de non repos tant ils agitent tes nuits, je ne rêve pas, plus depuis le début du confinement.

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