Ce matin en lisant la presse, comme beaucoup, j’ai appris la disparition de François Nourissier. Il est rare que le décès d’un écrivain, d’un homme de lettres, m’amène à écrire un article sur mon blog sans doute parce que j’estime n’avoir aucune légitimité à le faire, d’autres s’en chargeant bien mieux, avec bien plus de connaissances.
Cependant cette triste nouvelle a immédiatement évoqué en moi le souvenir d’une lecture « A défaut de génie » qui m’a profondément émue.
Dans ce livre autobiographique, courageux, fort, François Nourissier couchait ses mémoires dans le glissement de ses pensées, sans réelle chronologie et surtout sans la moindre complaisance. Il se critiquait durement, remettait en cause ses choix, sa vie, jusqu’à son physique, tout en décrivant avec une profonde tendresse les êtres qui comptaient le plus pour lui.
Je me souviens d’avoir aimé me perdre, d’avoir souhaité qu’il continue de me perdre, dans le labyrinthe de ses souvenirs. Je me souviens des femmes, des portraits touchants qu’il en faisait, des sourires que je sentais s’étirer sur mon visage.
Je me souviens de sa tristesse transpirant sur le papier et qui me gagnait, qui s’insinuait en moi au fil des pages, d’un homme qui se retourne, regarde sa vie et se déçoit amèrement, n’appelant, dans le box des accusés de ce procès à charge, personne d’autre que lui-même.
Je me souviens de mes larmes retenues, de ma révolte, de ce cri intérieur qui aurait voulu l’atteindre pour qu’il entende qu’un homme capable de se juger aussi durement ne peut être aussi mauvais qu’il le prétend.
Je me souviens de la résonance de ses mots dans tout mon être, face à cette terrible séance d’autoflagellation, face à cet homme qui estimait ne pas mériter l’amour de son entourage, ne se voyant plus que comme un vieillard sénile et malodorant qu’il aurait convenu d’abandonner.
Je me souviens avoir maintes fois éprouvé le désir, l’envie, le besoin même, de lui écrire tout au long de cette lecture. Lui écrire naïvement : « je ne vous connais pas, mais moi je vous aime » pour le détromper. Lui écrire que si apprendre à aimer l’autre dans son entièreté, avec ses défauts et ses qualités n’est pas toujours aisé, il est bien plus difficile d’apprendre à s’aimer soi et d’accepter ses faiblesses comme autant de petites parties de son être, pas toujours heureuses certes, mais sans lesquelles nous ne serions sans doute pas tout le reste…
Qu’à défaut de s’aimer, il est possible de s’accepter.