Quand ce sera fini

Les cerises d’Ariane

Quand j’en aurai terminé (et ça ne va plus tarder), durant le temps de repos nécessaire à une relecture complète (sache que je commence à sélectionner mon panel de lecteurs intransigeants), la première chose que je ferai sera de replonger dans la lecture (d’autres romans, bien sûr).

Quand ce sera fini, c’est vers « Belle du seigneur » que je me dirigerai. Même si je l’ai déjà lu, même si tant d’autres livres m’attendent, depuis quelques jours il m’appelle et je sais que c’est celui-ci que je lirai en premier.

Parce que c’est la saison des cerises et que chaque fois que je vois ce fruit au rouge suffisamment particulier pour qu’une couleur porte son nom, je pense à Ariane et à Solal (ceux qui ont lu ce roman comprendront, les autres… qu’attendez-vous, nom de non ?!).

Parce qu’il est l’un des livres les plus envoûtants qu’il m’ait été donné de lire, avec le génie d’une écriture dont la forme change selon que l’auteur nous offre le point de vue de Solal, d’Ariane ou d’Adrien, mais toujours avec une précision de dentelière.

Parce que, pour moi, ce livre est toute l’essence du plaisir de lire et qu’il vient me rappeler (s’il en était besoin) pourquoi j’aime la littérature.

Évidemment, en le relisant, je me dirai que ce que j’ai commis est insipide (peut-être même pourri). Un peu comme un candidat de télé-crochet qui écouterait La Traviata juste avant son audition… Il me faudra alors résister à la tentation de tout envoyer valser, il me faudra tenir pour aller au bout de ce projet.

Bonne fête Rose !

« Demain nous fêterons les Roses ! » annonce d’une voix enjouée la présentatrice à la fin de son bulletin météorologique (pluvieux). Tressaillement ! Coïncidence ultime ! Je viens tout juste de quitter Rose, petite narratrice de quinze ans qui en paraît la moitié, toute petite chose à l’esprit torturé, qui s’occupe de ses lapins élevés sur le toit de son immeuble.

J’ai rencontré Rose par hasard, en flânant dans ma librairie favorite. Le titre du livre (« Déloger l’animal »), l’illustration choisie parDéloger l'animal l’éditeur (Babel), m’ont convaincue d’emmener ce petit bouquin dans l’antre de ma gibecière. Je ne connaissais pas l’auteur (Véronique Ovaldé), je n’ai pas lu le résumé (en même temps, je ne lis plus les résumés depuis « Belle du Seigneur » et la révélation que j’ai eu en découvrant que le résumé ne résumait absolument pas le livre, et même le desservait), je n’ai pas feuilleté les pages pour en extraire quelques lignes au hasard du vent créé par mes doigts agiles, je n’ai pas lu la première page pour qu’elle me livre l’essence du roman. Comme on pourrait se jeter sur un beau gosse plein de promesses de luxure, j’ai acheté ce livre animalement, c’est son physique qui m’a attiré. Ouhhh ! Voilà un achat bien superficiel ! Certes mais quelle heureuse décision !

Rose fait tourner son imagination au départ de sa mère (Rose aussi), elle virevolte entre fantasme et réalité, entre imagination enfantine et grandiloquence adulte, entre mensonge et vérité.

Parce que Rose mange parfois ses lapins et s’en délecte (« ne croyez pas que cela me rendît triste. Ca me permettait de rester pour toujours avec eux »), parce qu’elle est paranoïaque, un peu schizophrène et qu’elle est soignée dans un institut, parce qu’elle ressemble à une enfant de sept ans, elle est attachante. Les pensées de cette petite héroïne sont truculentes. Parce que son imaginaire est surdéveloppé, parce qu’elle est futée, son récit est allégorique et spirituel. Rose écoute le sable fabriquer les dunes et se brûle à la lumière de la vérité et grandit.

Et moi, je quitte Rose avec une once de regret, comme on quitte une amie avec qui on aurait bien cheminé encore quelques kilomètres… Alors merci et bonne fête Rose !

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