
Porter son cerveau avec fierté
Imaginons que, par un procédé ingénieux auquel je n’ai pas encore réfléchi (car non seulement il me faudrait tout un livre pour développer convenablement ma pensée et je n’en ai pas le temps, mais de plus, l’internaute moyen ne passant que 8 secondes sur une page, soit le temps de dire qu’une barre chocolatée est de la dynamite, la majorité de mes lecteurs est déjà partie !), donc imaginons que par un procédé non développé ici mais néanmoins ingénieux, il soit possible de voir le cerveau de chacun aussi clairement que sa mise, qu’en somme, on porte son cerveau comme sa chemise, avec en décorum ses zones actives, les idées que l’on souhaite partager, et même ses pensées; et que ce soit sur ce critère, sur le vrai fond du caractère, et pas un autre que l’on se juge ? Ça nous changerait du tout au tout les dîners, non ?
Robert entrerait dans l’appartement bondé d’un ami et, entre deux flûtes de champagne, aviserait une femme devant le buffet des petits fours. Le premier contact pourrait être :
« Madame, votre cerveau est absolument magnifique, et les idées que vous portez le mettent merveilleusement en valeur.
– Monsieur, je vous remercie pour ce compliment plutôt rare. D’ordinaire je le couvre durant les soirées. Vous comprenez, les hommes n’aiment pas les femmes intelligentes, la raison étant sans doute que dans l’imaginaire collectif, il est plus aisé de faire avaler n’importe quoi à une sotte ».
Si vous avez plus de 8 secondes et que le second degré n’est pas pour vous qu’une graduation sur le thermomètre de votre balcon, je vous laisse méditer sur cet aphorisme qui est la seule raison d’être de ce billet (et croyez-moi, j’ai activé toute mes zones de créativité jusqu’à ce qu’elles sentent le cramé pour pouvoir le placer).
« Vous exagérez quelque peu… Sans doute parlez-vous de ceux dont le cerveau fait des noeuds ? tenterait Robert.
– En effet, « la plupart des hommes » serait plus juste ; les autres savent qu’une femme amoureuse est toujours un peu sotte. » (Un aphorisme, c’est bien ; deux, ça vous déculpabilise du billet).
Plus loin quelques amies exprimeraient la joie de se retrouver et se congratuleraient de la sorte : « Fantastique cette pensée ! Ça te va à ravir ce petit cerveau moulé ! Il paraît plus gros ! ». Les critiques se chuchoteraient ainsi : « Mais comment peut-on avoir l’audace d’activer cette zone ? C’est d’un vulgaire ! ».
Il serait plus simple d’éviter les types de cerveau qui nous insupportent, et à l’inverse de se rapprocher de ceux qui nous sont semblables. Il n’y aurait aucune mauvaise surprise… Il n’y aurait aucune surprise… Et sans surprise, sur moi, la vie n’aurait pas de prise… Je préfère donc me méfier, me confier, me fourvoyer pour découvrir ceux qui m’entourent au-delà de leurs atours. Je préfère donc perdre du temps en en donnant à des inconséquents, car il n’est plus belle rencontre que celle qui vous surprend…