Formuler les possibles

Je n’ai jamais eu un goût prononcé pour les fêtes de fin d’année. Encore moins d’attrait pour le Nouvel An et ses sempiternels souhaits.

Je m’en suis souvent expliquée, justifiée ici, ça ne va pas avec mon calendrier mental, une nuit qui succède à une autre, un jour à un autre, rien qui saurait bouleverser le cours de la vie et des choses, suspendre les ennuis ou offrir une pause.

Pour autant, je me suis toujours pliée à répondre aux souhaits et même à souhaiter à ceux pour qui cela a de l’importance, parce que je sais que ça les rassure, ça les réchauffe même, et puis il y a la politesse qui implique d’envoyer ses voeux à ses clients, d’y répondre si ce sont eux qui ont « tiré les premiers ». Et puis, enfin, il y a des souhaits d’une telle poésie, qui me touchent si profondément malgré mes a priori, que je ne peux entièrement balayer la tradition.

Mais cette année…

Depuis quelques jours je réfléchis à ce que l’on va bien pouvoir se souhaiter, quelle formule adopter, le galvanisé « Bonne Année » ne semblant pas franchement approprié, voire frôlant l’ironie, nous ne sommes pas totalement ahuris, on sait bien qu’en une nuit, là encore, rien ne va changer, et l’année écoulée va forcément contaminer une bonne partie de la prochaine. « Bonne Santé », mon cul.

Et pourtant il faut bien y croire, il faut bien s’accrocher un peu et y croire si l’on veut continuer de se lever, continuer de créer, continuer d’aimer, d’avancer et si l’on veut participer à ce que ce ne soit pas totalement foiré. « Par mes pensées, je crée le monde dans lequel je vis ».

Il faudrait donc trouver une formule, un néologisme, une parabole, quelque chose de gai et joli, sans être niais, sans que ça renifle la coquecigrue ou le Dahu, sans que ça sente le sapin ou le désespoir (« Bonne chance » a des relents « les gars, accrochez-vous » et conséquemment d' »on est foutu » et je n’en suis absolument pas convaincue), non, une phrase unique et lumineuse, qui ouvrirait des possibles alors que je viens de refermer, conquise, celle qui les soustrait ( « La soustraction des possibles »).

Voilà… Tout ça pour te dire, lecteur-réveillonnant, que je ne sais quoi te souhaiter, alors n’en prends pas ombrage si je ne réponds pas immédiatement ou si je ne tire pas la première, c’est seulement que je cherche la formule pour te ravir et te permettre, tout comme à moi, de t’offrir des voeux qui viennent du coeur, pas d’un esprit formaté à les prononcer.

MAJ le 01/01/2021 : j’ai trouvé : ce sera « Bonne chancée », doux mélange de Bonne Année et Bonne Chance

Vise les étoiles

vise les étoiles

Elle a secoué cette année 2018, elle a soufflé, tempêté, mis ta tête en bas et tes pieds en l’air, elle t’a filé le vertige au pied de la falaise, elle t’a poussé, tu as sauté.

Alors, bien sûr, tu n’as pas tout aimé mais elle t’a fait bouger comme jamais, elle t’a fait avancer en bottes de sept lieux, elle a forcé ton corps, ta tête et ton coeur, défoncé tes barrières, explosé tes restes de carapace, KO sur ta terrasse.

Non, tu n’as pas tout aimé, il y a eu de l’inconfortable, des choix difficiles et des conséquences pas plus faciles, des victoires et des échecs, des mouchoirs et des temps secs.

Mais regarde, elle a été belle ton année, elle a été importante, tu as gagné de l’empan, tu as piétiné des peurs, transformé des montagnes en taupinières, tu as fait l’amour et la guerre, tu as tant découvert.

Parce que si c’est facile, parce que si c’est aisé, il n’y rien à en tirer, rien à regarder le jour où tu voudras te retourner sur ton passé pour voir le chemin avalé.

Sois fier de toi et de ton année écoulée. Tu as visé droit, tu as visé juste, là, bien droit dans les bottes de sept lieux dans lesquelles tu nages encore un peu.

Oui, regarde, elle a été belle ton année, elle a nettoyé, réparé, elle t’a apprivoisé. Elle a posé de l’imprévu derrière les arbres, elle t’a appris à ne pas vouloir tout maîtriser, à accepter, à lâcher, à ouvrir ce qui était à triple tour bien verrouillé.

Reste à accueillir 2019, reste à y plonger avec toute la confiance gagnée, avec le coeur encore un peu plus ouvert, avec ce que tu sais que tu es capable de donner.

Vise les étoiles pour ton année, arme-toi de ta sagaie et vise les étoiles, il est probable que tu parviennes à en décrocher…

Bonne année, lecteur.

Bonne année ! Et la santé surtout, la santé…

Comme tous les ans, voilà que reviennent les traditionnels voeux de fin et début d’année, et voilà La Vilaine bien embarrassée par de tels épanchements bien absents de sa compréhension.

Photo La Vilaine

Aussi loin que je me souvienne, les fêtes de fin d’année, et en particulier celle du nouvel an, a toujours déclenché en moi scepticisme et petite déprime. Enfant, au moment même où l’on s’agitait soixante secondes avant l’heure attendue, une irrépressible envie de me pelotonner sous un meuble, n’importe lequel pourvu que je disparaisse en me fondant dans le sol, me saisissait sans crier gare. Les baisers échangés avec une fougue alcoolisée, les cris, les sautillements de joie, étaient autant d’agressions pour mon petit esprit un peu singulier et m’arrachaient des larmes inexpliquées.

Il me semble que la première fois que j’ai pris conscience de l’absurdité de ces voeux, et que conséquemment j’ai rejeté tout de go cette liesse, c’est lorsqu’après avoir réveillonné et souhaité comme l’on dit « tout le bonheur du monde », j’ai découvert le lendemain matin que la guerre Iran Irak n’avait pas disparu dans la nuit. J’étais obsédée par ce conflit, me réveillant même la nuit du haut de mes quatre ou cinq ans, parce que le grondement de l’orage me laissait penser dans un demi sommeil que la Défense Sacrée était à nos portes.

Si aujourd’hui, et c’est heureux, les voeux de bonne année ne me tirent plus de sanglots étouffés, je goûte toujours aussi peu cette drôle de mascarade, et suis toujours aussi éberluée de lire, voir, entendre, mon entourage proche ou éloigné, s’inquiéter ou se réjouir du départ pris par la nouvelle année. « Ca commence mal », « j’espère que cette année sera meilleure que la précédente », sont autant de petites diatribes qui me laissent toute coite. Comme si soudain, tout allait changer.

Alors bien sûr, sachant parfois ne pas m’entêter, je présente mes voeux à ceux qui y attachent une véritable importance, réponds (mollement) à ceux qui me sont faits, ironise sur les phrases toutes faites « et la santé, surtout, la santé » en pouffant, mais reste dans un coin de ma tête la pensée que de 23h59 à 00h00 que pourrait-il bien se passer de si bouleversant que nos vies en seraient soudainement changées ? Que nenni, la même bouchée par jour dans la même tartine de merde dont parlait déjà mon arrière-grand mère. Le tout c’est d’apprécier à leur juste valeur les petits morceaux sucrés sur lesquels on tombe parfois et de savoir s’en délecter quelle qu’en soit la date, non ?

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