Danser dans la forêt

Forêt de hêtres – Gustave Klimt

C’était une soirée différente. Une soirée illuminée par des amies et par une lune que l’on disait bleue, pleine et de sang.

Une soirée où l’on partageait l’amitié et le vin, où les conversations à coeur ouvert allaient bon train, où l’on grignotait des chips et des bouts de vie.

Et puis une envie de forêt comme une respiration à reprendre rapidement a lancé une vrille. On a enfilé nos chaussures, nos manteaux, on a filé au milieu de la nuit droit vers les bois.

Je te passe, lecteur, le parcours santé nocturne et aviné, je t’épargne les fous rires et les rires fous, les présentations à mon arbre et comme nous l’avons toutes trois enlacé pour le remercier.

Une fois notre tour de n’importe quoi presque achevé, l’une de nous a eu cette phrase magique qui a lancé la seconde vrille : « On rentre en La La Land ? », aucune de nous n’a demandé de quoi il s’agissait, on savait.

Elle a lancé la musique avec l’enthousiasme d’une enfant, on percevait ses yeux brillants. On a dansé dans la forêt sur le chemin du retour, on a couru dans les champs, sauté, chanté, on s’est regardées comme on se regarde vraiment, en se voyant, en se comprenant, on s’est serrées-collées comme pour sceller ce qui devait l’être, pour se dire l’indicible, le beau et l’invisible, tout ce qui ne s’achète pas, ne s’enferme pas, cette nuit-là, on a fêté la liberté comme jamais.

L’herbe et les étoiles

éclipse de lune

Elle m’a souri en coin, l’oeil qui frise et le regard mutin. Elle m’a dit : « J’ai envie de danser », m’a montré ses pieds déjà déchaussés. Elle a ajouté qu’elle voulait danser dans l’herbe, là-bas, derrière les musiciens.

Je lui ai souri en retour, elle était contagieuse. J’ai observé mes chaussures et j’ai pensé qu’il me faudrait un temps avant de me lancer. Pas tout de suite, un peu après…

Et puis j’ai balancé mes chaussures comme on balance sa réserve, parce que son envie, son enthousiasme avaient semé une petite graine de folie dans un recoin de mon esprit.

J’ai lâché les cheveux comme on lâche les chevaux parce qu’il y avait Vénus, la joie d’une amie, du vent et que le ciel était beau.

On a dansé dans l’herbe et dans le vent, on a dansé en regardant un ciel sans lune.

On a dansé sous Vénus, absorbé son énergie particulière, éveillé nos sens et lâché prise.

Pendant un temps, nous étions seules, les pieds nus dans l’herbe sous un ciel d’étoiles, avec cette joie que seule la musique sait procurer. On a dansé comme on danse la folie au secret de sa jalousie, quand on est seul chez soi et que personne ne nous voit.

Et puis ils sont venus, les autres, ceux que nous avions presque oubliés, entraînés par notre gaité. Et la folie s’est propagée.

On disait autrefois que danser sous la nuit pouvait rendre fou. Je sais aujourd’hui que danser sous Vénus rend vivant.