C’est le Printemps… des poètes

Printemps des poètes

Durant l’hiver, j’ai semé des graines au milieu des champs ravagés.

Comme tout jardinier (non, lecteur militant pour l’équité, ne t’attends pas à ce que j’écrive « jardinière », ça sonne trop pot de fleurs dans mon imaginaire), j’avais toute conscience qu’il faudrait longuement patienter pour voir si quelque chose pousserait.

Pour autant, je guettais l’arrivée de ce mois de mars avec autant d’espoir impatient qu’un naufragé guette l’envoi d’une bouée, sachant qu’à tout le moins, un peu de culture viendrait à nouveau réveiller mon cerveau affamé.

De juteuses et nourrissantes dates démarrent donc leur floraison en ce mois de mars pas (encore) confiné.

Tout d’abord le 23ème Printemps des Poètes auquel je participe activement pour la première fois. Petit résumé de ce que je n’ai guère pris le temps de raconter ici : j’ai été conviée à proposer un poème sur le Désir (thème de cette année) au concours d’Annecy 2021, expérience littéraire inédite pour moi mais j’ai accepté de relever le défi.

Les premiers résultats sont tombés : j’ai été en primo sélection des 50 (sur les 223 participants) mais, pour autant, mon poème a été jugé « trop charnel » pour être publié (la sélection suivante des 30). L’aventure s’arrête donc là pour moi soudainement auréolée de subversivité (ce qui m’amuse, la pensée d’avoir un peu secoué certains membres du jury compensant la déception).

J’ai également été sollicitée pour participer avec un autre poème à une exposition dans les 10 médiathèques de la ville d’Annecy, toujours dans le cadre du Printemps des Poètes, alliant poèmes sur le Désir et illustrations photographiques.

La situation sanitaire n’a malheureusement pas permis de maintenir le vernissage (on s’y attendait).

Chaque médiathèque expose une partie des panneaux mais l’intégralité des panneaux poèmes et photos se trouve à la médiathèque de Bonlieu. Pour celles et ceux qui peuvent et veulent se rendre sur place, vous avez jusqu’au 26 mars pour visiter l’exposition (ce qui peut être une jolie occasion de se faire une sortie culturelle en ces temps où les possibilités sont aussi rares qu’un cheveu sur la tête à Mathieu)

Pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent s’y rendre, vous pouvez découvrir les poèmes sélectionnés et les photographies réalisées par des photographes régionaux pour illustrer chacun d’entre eux en ligne, sans quitter votre confortable fauteuil : https://brenasjg.wixsite.com/annecy21/copie-de-beaute (je vous laisse le soin de me chercher)

Enfin, un recueil regroupant tous les poèmes exposés + les différents poèmes des concours sera publié par la Ville d’Annecy au mois de juin où une cérémonie de remises des prix aura lieu.

Et pour terminer le point « évolution des plantations hivernales », comme tu le sais lecteur fidèle (enfin si tu l’es), j’ai participé pour la seconde année consécutive au Prix de la Nouvelle Érotique au mois de décembre et le jury nous a récemment indiqué que les résultats de la primo sélection devraient nous parvenir en avril (où, pour le coup, on se découvrira de plus d’un fil).

Des vies d’oiseaux – Véronique Ovaldé

Des vies d'oiseaux - Editions de l'Olivier

Je guette toujours avec impatience les écrits de Véronique Ovaldé. Depuis « Déloger l’animal » je suis totalement enamourée de cet auteur aux petits mondes construits de toute pièce, à la prose moderne et enlevée, à la fois simple et travaillée. Elle fait partie de ceux (et ils sont rares) dont j’achète sans réfléchir chaque ouvrage et dont je peux assurer avoir tout lu.

C’est donc avec un plaisir par anticipation que j’ai ouvert « Des vies d’oiseaux » et si je dois avouer que je n’ai pas été emportée aussi rapidement qu’avec le roman sus-cité ou avec « Les hommes en général me plaisent beaucoup » qui restent mes deux préférés, j’ai été une fois de plus soufflée par son sens de la métaphore et des descriptions justes, animales et profondes, des sentiments humains. Véronique Ovaldé est à mon sens particulièrement douée pour l’extrême, la douleur et l’amour fou, les enfances négligées.

L’amour fou, au sens littéral, celui qui fait perdre la raison, celui qui emporte tout sur son passage, le désir sauvage et bestial. Dans « Les hommes en général me plaisent beaucoup » il n’est question que de cela, de la dépendance d’un corps à un autre, du souvenir que la peau peut avoir d’un amant au point d’annihiler tout entendement et de se jeter dans les bras de son bourreau volontairement. Et l’on retrouve ce violent besoin dans presque chacun de ses écrits, dans « Ce que je sais de Vera Candida » comme dans « Le sommeil des poissons ». Ceux qui me connaissent bien, savent que je ne goûte que peu les écrits « féminins-féministes » et encore moins les « romans-romantiques », il va donc sans dire (mais bien mieux en le disant) qu’il s’agit ici d’un traitement du récit bien différent. Certes, ces héroïnes se débattent pour se libérer de leurs chaînes, mais c’est pour mieux se laisser attacher par d’autres, car elles veulent appartenir pleinement, s’abandonner totalement : « Quand Adolfo lui avait dit qu’elle était dorénavant sa femme, elle aurait volontiers tendu ses deux poignets vers lui afin qu’il les menottât et la gardât pour lui seul, et cette idée pour Paloma était dérangeante, inédite et séduisante. »

La douleur, pour les mêmes raisons, lorsque les héroïnes pensent (et pansent) leurs blessures (et elles sont rarement épargnées par l’auteur), c’est avec des mots forts, des expressions métaphoriquement travaillées mais si proches de la réalité de chacun, si bien qu’elles résonnent et coupent le souffle. Du moins, le mien… « Elle va (…) afin de préserver sa tranquillité et de continuer à gratter délicatement chacune de ses cicatrices, refuser d’aller d’aller voir le docteur Kuckart, s’entraîner toujours avec plus d’acharnement et refermer une à une toutes les portes qui mènent jusqu’à elle. »

« Des vies d’oiseaux » n’échappe donc pas à cette règle, on s’amourache des personnages, on aime qu’elles aiment, qu’elles s’alanguissent, on souffre de leurs douleurs, on les réceptionne de l’intérieur.

« Elle a entendu la pluie qui tambourinait contre les volets et qui plicploquait au grenier pendant qu’elle était sous cet homme et que le sexe de cet homme dont elle était en train de devenir très amoureuse (ce sont des histoires d’ocytocine et d’on ne sait quoi qui la rendaient si triste et aimante et tendre), pendant que le sexe de cet homme était en elle, elle se fichait de ce que le docteur Kuckart aurait dit (quelque chose comme, « Méfiez-vous de la passion amoureuse, cette maladie mentale »), elle voulait juste que cet homme la complétât et la soulevât, dramatiquement, qu’il pressât sa queue dans sa bouche, que sa nudité fut complète et augmentée (…).»

« (…) quand elle ira la voir à l’hôpital et elle implorera muettement « Faites qu’elle meure pas, faites qu’elle meure pas », mais sa prière ne sera entendue de personne, les prières ne sont jamais entendues de personne, elles errent dans un grand désert gris et cendreux que le vent balaie sans jamais s’interrompre, et elles ne sortent jamais des ténèbres.»