L’un de mes petits tics verbaux (et la plupart d’entre vous auront remarqué qu’il y en a des tas), est de lancer au moment où mon oreiller m’appelle à grands cris ouatés : « je vais voir dans mon lit si j’y suis ». Phrase semblant anodine à tout un chacun, amusante à d’autres, mais qui chaque fois que je l’énonce m’emmène immanquablement vers de drôles de pensées…
Je me visualise, sortant de la salle de bains et accomplissant le rituel du coucher avec cette précision d’automate qui est propre à l’homme (ou la femme) lorsqu’il se prépare à sa nuit de sommeil réparateur, ou lorsqu’il se lève le matin encore tout groggy, la trace des draps maculant sa joue gonflée par les rêves. Car oui ce sont les deux moments de la vie de l’humain (et du chien si j’en crois l’attitude du mien) où la vigilance est la plus réduite, tant et si bien qu’intelligents ou totalement dénués de cervelet (autre tic verbal…) nous sommes au moins tous égaux dans ces moments-là.
Fin de la digression, je reprends le fil de ma pensée…

La Vilaine infographie par La Vilaine
Donc, je me visualise sortant de la salle de bains, ramassant les paniers des chiens pour les installer dans la pièce à dormir, me dirigeant vers la chambre, cherchant à tâtons l’interrupteur de cette immense, trop immense lampe de chevet qui pendouille négligemment sur le pied de lit, allumant donc l’ampoule de ce lampadaire (car il s’agit bien d’un lampadaire de chevet à bien y réfléchir) et trouvant installée confortablement dans ma couche MOI. Moi alors que je suis moi..
Face à face surréaliste, terreur terrible liée à l’impossible surprise, je suis donc double, je suis donc deux, mais suis-je bien moi ou bien est-ce l’autre ? Passé le moment de stupeur que ferais-je ? Que ferions-nous, moi et mon autre moi ? Bien sûr dans le meilleur des scénarii d’une vie bisounoursienne je m’assoirais sur mon lit auprès de moi, et je me parlerais un peu. Comment vais-je ? Je m’inquiéterais pour moi un peu, je prendrais de mes nouvelles… On ne manquerait pas moi et moi de se demander ce qui nous arrive, pourquoi ce dédoublement soudain. On échafauderait peut-être quelques plans pour profiter de cette aubaine. Pendant que moi, j’irais au travail, moi je ferais la grasse matinée et puis on alternerait. Un jour sur deux, pas de jalouse ! Après avoir refait mon monde, j’irais me coucher avec moi, on se ferait un peu de place dans le lit pour tenir à deux à la place qui m’est normalement impartie.
Dans le pire de mes scénarii, je m’engueulerais et me ficherais dehors. Oui mais mon autre moi me dirait sans aucun doute qu’elle est la seule et unique moi… Elle ne manquerait pas de provoquer en moi une grande confusion, me connaissant, je serais bien capable de penser qu’elle a raison et que c’est moi l’usurpatrice et non cette autre moi bien installée entre mes oreillers. D’autant que mon autre moi me connaissant aussi bien que moi, elle saurait bien comment me plonger dans le doute ! Bien sûr, j’ai pensé que mes chiens pourraient nous départager, mais en y repensant plus sérieusement, le pourraient-ils vraiment ?
Et cette autre moi serait-elle totalement comme moi ou différente ? Si je croisais mon double, le serait-il dans son entièreté ? Non, cela pourrait être tout le moi que j’aurais pu être mais que je ne suis pas, mieux que moi, un moi perfectionné qui aurait fait des choix de vie différents et meilleurs. Ou pire ? Le mauvais moi, mon côté obscur comme dirait Maître Yoda.
C’est en général à ce moment précis que je me dis qu’il serait tant que j’aille dormir…