Sens dessus dessous

encore un rayon

On a cru que c’était fini, on a fermé les fenêtres, on a sorti les pulls, on s’est blotti sous les plaids, on a senti ce froid qui reste à l’intérieur et que seule une douche brûlante parvient à apaiser.

On a cru que c’en était terminé alors on a bougé les meubles comme pour bouger l’humeur, comme pour hiberner, se préparer à cocooner, ça avait du sens de les changer de sens, ça avait du Vian, ça avait un air de jours qui s’écument.

On a cru que c’était achevé, il a même neigé, on a trouvé que ça piquait cette brutalité, tous nos sens en étaient paralysés.

Et puis, le tout s’est réchauffé, comme le regain des lits de mourants, l’été a tout redonné dans un sursaut de fierté.

Alors on se précipite pour profiter des derniers rayons, on prend d’assaut les plans d’eau, on bavasse en terrasse, on cherche à oublier que, bientôt, ce sera vraiment terminé.

Comme une soudaine fugue, comme on retient le temps, on prend tout ce qui peut l’être et qui peut nous ramener à la liesse de l’été.

Alors on s’accroche comme des désespérés, comme si une saison pouvait nous sauver, comme si seul un été pouvait nous remplir, nous donner, nous libérer.

On a cru que c’était fini, que c’en était terminé, on a cru que c’était achevé, qu’on l’avait rêvé.

Mais tout s’est réchauffé et tant qu’il y est, ce n’est pas totalement terminé, tant qu’il y a été, on n’a pas rêvé, c’est que l’on y a été…

 

Le retour des martinets

J’étends mon linge dans les dernières heures de ce soleil estival, comme toujours durant ces tâches, mon esprit se détache vers d’autres pensées que celle de mes mains qui déploient les vêtements avec soin pour éviter autant que possible la corvée du repassage. Un bruit me sort de ma torpeur, me fige sur place, j’écoute sans respirer comme si la moindre prise d’air était susceptible de rompre mes chances de saisir à nouveau ce son tant attendu. A nouveau il transperce le silence, des sifflements stridents comme un cri percent le ciel. Mon visage s’éclaire, mes yeux s’écarquillent, je ne suis que trop familière de ce chant annonciateur des beaux jours.

Une immense joie m’envahit, une joie d’enfant, une hystérie bienveillante ! En un saut j’enjambe le pas de porte pour me retrouver au milieu du jardin, je cours, je tourne, je virevolte la nuque renversée pour les apercevoir, j’ai le vertige et je m’en moque, je veux les voir car leur passage est furtif et fou. Enfin les voici, dans leur course impétueuse, leur joute aérienne qu’ils renouvelleront chaque soir au coucher du soleil, et je me bercerai du doux rêve que ce n’est que pour me saluer moi, que leur vol m’est dédié à moi qui les écoute en frémissant. Ils sont revenus les martinets de mon jardin, leur ponctualité m’enchante, nous sommes bien en mai puisqu’ils sont là.
Jeune Martinet tombé du nid

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