Silence

Dans les écoles, on devrait apprendre le silence, on devrait apprendre à se taire quand un événement nous dépasse, à prendre le temps de la digestion, de la compréhension.

Dans les écoles, on devrait apprendre le silence. À chaque fois qu’un événement trop violent ou trop grand nous secoue, nous chavire, j’abhorre les réseaux sociaux auxquels d’ordinaire je prête nombre de qualités, certes triées, mais qualités tout de même.

À chaque événement qui nous ébranle, je me retire quelques jours tant j’ai besoin de ce silence, tant je ne supporte pas les commentaires, tribunes, analyses immédiats de ce monde immédiat qui se sent forcé d’y poster son mot, là, tout de suite, dans la minute, dans l’heure, un immédiat de palabres, une cacophonie d’harangues, à celui qui sera le premier, le plus pertinent, le plus convaincant, le plus touchant, le plus émouvant, dans une joute d’égo pour certains, avec une belle sincérité pour d’autres.

Dans les écoles, on devrait apprendre le silence et l’écoute. L’écoute de ceux qui sont les premiers touchés, de ceux qui sont en première ligne, de ceux dont le savoir permet un discours mesuré, sensé, documenté. Vient ensuite le temps de s’exprimer, de choisir des mesures sans effet d’annonces, d’annoncer sans enrober d’effets, de se forger une opinion, un avis, une fois que l’on possède un minimum de clés.

À chaque événement qui nous explose le quotidien, à chaque histoire trop noire, je regarde avec reconnaissance et admiration ceux qui n’ont de cesse de partager rires et créativité, qui conservent leurs pieds bien ancrés, brillants soleils sur une vie traversée d’orages, refusant que l’immédiateté des informations fasse d’eux des otages.

Dans les écoles on devrait apprendre le silence et le rire, la distanciation, le recul et, surtout, que s’il y a un temps pour dire, il n’y en a pas pour aimer, c’est toujours le temps d’aimer, tout le temps, en tous temps.

108 postures de yoga sans lâcher le clavier ni le chat

Envahissement

Voilà, je crois que ce qui me bloquait était aussi simple que ça : une posture. Je choisis le mot posture sans doute à dessein, j’aurais pu écrire « position », « ergonomie », mais c’est « posture » qui a vu le jour d’instinct.

Je travaille à mon domicile, installée (in)confortablement à mon bureau toute la journée, seule devant mon café et parfois sans croiser d’humains durant plusieurs journées. J’en viens à disserter avec mon écran en plus du classique échange verbalo-miaulement avec Monsieur Huxley, chaton de six mois pour le moins envahissant qui voit en mes doigts frappant le clavier autant de raisons de s’amuser.

Le soir, toujours seule devant une soupe grossièrement passée, je peine à redéposer ma carcasse sur mon fauteuil de bureau au skaï ragué-pelé pour écrire, « pour m’y mettre » comme on dit, me replonger dans ce nouveau roman commencé mais dont les finitions sont toujours repoussées pour diverses raisons très valables donc totalement fallacieuses : un boulot à boucler, le ménage qui n’est pas fait, la fatigue accumulée, une copine déprimée qui doit passer, un film que l’on m’a conseillé et, là, ce bouquin qui traîne sur la table basse depuis des semaines et que j’aimerais tellement terminer.

Alors j’ai déposé le bien nommé dossier « écrit » dans son entièreté sur une petite clé USB. J’ai inséré ladite clé dans mon vieil ordinateur portable et mourant, lequel ne conserve de souffle de vie que pour le traitement de texte et encore, à condition de ne pas oublier de le brancher sur son respirateur fait d’électricité, fée électricité (la batterie ayant une autonomie d’une demie seconde à peine). En somme, j’ai une machine à écrire, silencieuse et numérique, rien d’autre, point de réseau social au gouffre temporo-spatial béant, point de messagerie, point de mails de client, rien que du texte en cours de traitement.

Et revenons-en à la posture ou au positionnement. De par cette petite astuce, je remise au placard l’ergonomie du travail nécessaire pour les tâches pécuniaires et peux m’affaler comme il me plait sur mon canapé, mon lit, pieds au mur si ça me chante ou en lotus pour la détente, je peux même revisiter ma pratique yoga en créant une variante qui pourrait se nommer « Cent huit postures de yoga sans lâcher le clavier ».

Reste un problème pour lequel aucune solution n’est à ce jour trouvée : celui du chat. Que je sois à mon bureau ou dans mon canapé, quelle que soit la position adoptée, il vient poser son ronronnement et son corps en pleine croissance sur mes bras ou sur le clavier (quand il ne s’accroche pas à mes clavicules). Peut-être, finalement, devrais-je songer à « Cent huit postures de yoga sans lâcher le clavier ni le chat » ?

 

 

Le blog de l’inutile

©La Vilaine -Photo par La Vilaine

Lors d’une anodine et virtuelle conversation entre co-blogueuses, un faquin s’inquiétait que l’une de nous aille à son tour ouvrir un blog. Son trouble était tel (on eut dit qu’elle allait compromettre sa réputation ou perpétrer un méfait des plus irréparables) qu’elle l’interrogea sur les raisons de sa violente réprobation par un simple mais efficace « T’as quoi contre les blogs ? ». La réponse fut tout aussi directe : « c’est une concentration d’inutilité».

Reconnaissons à ce jeune impétueux un certain courage. Venir au milieu de blogueuses leur expliquer que ce qu’elles font n’a pas le moindre intérêt aurait pu lui valoir de se faire arracher la carotide sans autre forme de procès.

Reconnaissons-lui, également, une malice bien campée, car il faut tout de même posséder une sacrée dose d’humour pour nous demander par la suite dans son argumentaire approximatif, ce qui nous motivait à « partager » nos écrits au lieu de les conserver dans un journal intime, alors même qu’il nous questionnait sur Facebook (quintessence du partage d’inutile) et qu’au vu de son profil, il y semblait fort actif.

Mais sa provocation est tombée à plat, sans plus de bruit qu’une feuille de papier toilette dans la cuvette (du moins avec moi, j’ai senti que mon Gounjou bouillonnait de lui démontrer toute l’étendue de son erreur). Car loin de me sentir insultée, j’en ressentis presque une fierté. Oui, sans doute, mon blog est inutile et parfaitement futile. Je l’assume et même, si besoin était, le revendique.

Toute notre vie s’articule autour de l’utile, du productif, du lucratif, tels de petits Charlots des « Temps modernes », nous gesticulons, nous nous agitons, brassant désespérément l’air de nos bras et cherchons à attraper à l’aide des mains qui les prolongent, tout ce qui saurait nous assurer un avenir moins sinistre. Alors, oui, j’aime à penser que j’ai du temps pour le futile et l’inutile, pour l’inepte, l’inconséquent, parce que c’est réjouissant et salvateur dans ce monde où tout se doit d’être fructueux. Parce que c’est rafraîchissant et joyeux, autant que de sauter à pieds joints dans les flaques boueuses, de danser sous la pluie, de plonger tout habillé dans une piscine ou de s’essayer en pleine nuit au trampoline. J’aime à penser que d’autres partagent encore cet amour des petits riens qui ne servent à rien, perdent leur temps en me lisant, et s’arrêtent parfois en plein élan, pour se figer et contempler un rai de lumière dans lequel ils ont cru apercevoir une chimère…

La gentillesse aux toilettes

Je comprends par avance que vous puissiez vous interroger sur une possible régression scatologique de votre Vilenie, les lieux d’aisance et toilettes étant redondants dans mes billets en ce moment, n’y voyez rien de Freudien, j’ai passé il y a fort longtemps cette phase du développement psychosexuel de l’enfant.

C’est l’actualité riche de ce dimanche qui me pousse à m’interroger sur l’étonnante concomitance des deux journées mondiales de ce treize novembre : la journée mondiale de la gentillesse et celle, tout aussi planétaire, des toilettes. Vous noterez, qu’étonnamment, si la journée mondiale de la gentillesse s’affiche fièrement sur tous les murs de Facebook, celle des toilettes est bien moins relayée (vous me direz, rien d’anormal, on laisse rarement la porte ouverte sur la cuvette). C’est pourquoi, dans le but avoué de réparer cette injustice éhontée, j’avais décidé de me dévouer, de braver les quolibets, et d’offrir une tribune aux cabinets ! Mais très vite, mon esprit s’est encore évadé en roue libre, et tout en dévalant la pente vétilleuse de mes pensées, il n’a fauché qu’une seule et unique interrogation : quel étrange hasard du calendrier a fait se rencontrer ces deux journées ?

Et puisque j’ai animé l’une de mes héroïnes du seul but de renoncer à la gentillesse, puisque je lui ai fait prêter un muet serment, au dessus des toilettes, justement : « La gentillesse dans un monde d’égoïstes et de brutes, ça ne mène à rien à part finir en paillasson élimé (…) je vais te laisser un temps infini pour te rebeller, je vais te donner toute ma patience, mais en échange tu vas me le jurer : quand tu seras vieille, tu seras méchante », j’y ai vu comme un signe, me suis sentie investie d’une grande mission…

Je me suis donc mise en quête de la réponse à cette question, et avec une forme de professionnalisme journalistique, j’ai compulsé les nombreux articles sur le sujet (enfin… Nombreux pour la journée melliflue, bien plus rares pour celle des latrines) pour tenter de découvrir qui de l’Organisation Mondiale des Toilettes (je n’invente rien, la World Toilet Organization est tout ce qu’il y a de plus sérieuse, vous pouvez envoyer vos dons) ou du Mouvement Mondial pour la Gentillesse (je n’invente rien non plus, je n’aurais pas osé, vous ne m’auriez pas crue) avait taquiné l’autre en décidant d’un jour de célébration. Sans surprise, le Mouvement-Joli-Mignon a l’antériorité sur la date arrêtée, c’est donc la chasse d’eau qui a été tirée en second.

On peut alors légitimement se demander, si de ce choix il faut voir un lien de cause à effet, ou encore un message caché sous la forme de la promesse de Marie-Agnès, de mettre sa gentillesse bien camouflée sous ses fesses pour enfin gagner sa part de liesse « La gentillesse, vous pouvez la mettre aux toilettes ! ».

Le Dernier Jugement

Le jugement dernier - infographie par La Vilaine

Alors même que je vaque tranquillement à des occupations aussi passionnantes et vitales que le visionnage d’une ânerie à la télévision, on sonne à ma porte. Étonnant, je n’attendais personne en particulier et ai suffisamment averti mes connaissances de mon peu de goût pour les surprises et les visites à l’improviste.

Bon gré, mal gré, je me dirige en traînant du chausson vers l’entrée et commets l’erreur fatale d’ouvrir prestement la porte sans avoir pris la peine de demander au préalable à l’intrus de décliner identité et mot de passe, et de se prêter à une reconnaissance vocale, digitale et morphologique.

Les yeux plissés par cette soudaine luminosité, je découvre, baigné par l’aura solaire de cette journée, un couple endimanché qui me sourit de ses soixante-quatre dents, et avance de concert un pied verni vers le pas de porte. En trois nano-secondes, j’identifie mes cauteleux venus tout exprès pour me persuader du misérabilisme de ma vie sans foi. Petit guide du sauveur à la main (que j’identifie immédiatement comme une possible « arme par destination »), ils m’informent rapidement de ma fin toute proche et des mille sévices qui m’attendent là, toute désintégrée que je vais être dans l’heure par le Diable qui, n’en doutons pas, me convoite et me surveille depuis des lustres, la bave aux lèvres, voyant en moi une âme de peccamineuse pour agrandir son cheptel le jour du jugement dernier. Heureusement qu’ils passaient par là pour me sauver !

Tout va bien jusqu’à ce que, à court d’arguments (et de patience) pour convaincre à mon tour mes sauveurs de mon manque d’intérêt pour leur gentille prédication, je tente un peu plus fermement de refermer ma porte et leur claquet, parce que, « c’est pas le tout, mais j’ai une lessive à faire, je ne suis pas croyante, vous avez une carte pour que l’on se rappelle si je veux adhérer plus tard ? » C’est à ce moment précis, que leur visage d’angelot se pare de millier de petites rides de contrariété et que de la brebis égarée je deviens dans leur bouche la Vilaine sorcière, la marie-couche-toi-là, l’inconsciente, le suppôt supporter de Satan et de tous les diables tapis sous ma robe indécente.

Je referme (enfin claque serait plus juste) la porte sur mes nouveaux amis, sacrifiant par ce geste un orteil ou deux, et allume mon ordinateur afin de consulter les divers messages de la journée, je me perds sur quelques sites, lis quelques nouvelles et découvre avec stupeur que mes prédicateurs sont partout. Des réseaux sociaux aux commentaires des articles d’information en ligne, PARTOUT vous dis-je !

Ne me dites pas que vous ne l’avez pas remarqué ?

Bien sûr, ils ne prêchent pas tous la même parole, mais regardez bien autour de vous. Avec l’avènement des blogs et de l’accès immédiat à l’information, chacun juge l’autre avec une sévérité et une intolérance grandissantes, tout persuadé qu’il est d’avoir opté pour les seuls choix valables, qu’il s’agisse d’opinions politiques, de confessions religieuses ou de choix alimentaires, il se rengorge de « savoir mieux », se moque des autres chemins pris, vous met au pilori, parce que vous n’êtes pas comme lui.  Il se glisse dans l’antre de votre ordinateur, tente de vous persuader que vous vous trompez, brandit fièrement ses vérités et ne comprend pas pourquoi vous ne vous agenouillez pas les bras en croix, en chantant halleluia !

Heureusement, mon ordinateur est un portable, je peux donc le refermer en le claquant sur leur nez…

Les chaînes de bonne conscience

© La Vilaine (photo et montage)

Je reçois régulièrement des chaînes de solidarité par courriel, je lis des statuts Facebook m’enjoignant à copier une pensée solidaire, et je suis toujours agacée par ces messages qui  atterrissent systématiquement dans ma poubelle virtuelle, sans plus de cérémonie.

Ces « chaînes de l’espoir » sont à mes yeux des chaînes de bonne conscience, un clic, deux clics, et l’on est quelqu’un de bien, quelqu’un qui pense aux plus démunis, aux plus malheureux, à ceux qui souffrent.

Ce n’est pas que je sois sans cœur, loin s’en faut. De nombreuses causes me touchent, comme beaucoup j’ai perdu des proches et plus qu’à mon tour, mais non, je ne partage pas, je ne fais pas tourner, parce que je veux que l’on agisse pas que l’on affiche… Car au final, combien de ceux qui transmettent et pensent le temps de recoller un texte impersonnel et pré-écrit par on ne sait qui, font quoi que ce soit dans la « vraie vie » ? Comme il est aisé de se reposer sur un copier-coller, pour bien dormir ça doit aider…

Ce sont les formulations qui sont terriblement dérangeantes et qui me poussent à ce billet coléreux, on cherche à culpabiliser celui qui ne s’associe pas au mouvement. Prenons l’exemple de la pensée pour les malades du cancer, que je vous cite : « Un malade du cancer n’a qu’un seul vœux pour 2011 et qu’un seul rêve, celui de guérir… je pense que 97 % des Gens ne copieront pas ceci sur leur mur, mais je pense que mes propres amis seront les 3% qui le feront au moins pour une heure, en souvenir de ceux qui en sont morts (♥) et surtout pour ceux qui le combattent de toutes leurs forces… » Alors quoi ? Si je ne copie pas ce merveilleux message sur mon mur c’est que je ne suis qu’une pourriture qui s’en tamponne de ses morts ? Qui ne pense pas à eux ? Qui se moque royalement du combat contre la maladie ? Et bien non, mes pensées pour mes disparus sont de l’ordre de l’intime et ne s’étalent pas sur un mur virtuel ou sur un mail viral.

Quant à ceux qui inscrivent dans ce type de messages « d’habitude on fait tourner des chaînes qui ne servent à rien » j’adorerais qu’ils m’expliquent en quoi celle-ci a la moindre utilité. Il doit être ravi le SDF que l’on croise chaque matin sans lui tendre la main, que l’on pense virtuellement à lui, ça doit rudement compenser sa faim et réchauffer son corps glacé…

Je ne suis pas une Face-Fille-Facile

Non, La Vilaine est beaucoup de choses, mille faiblesses et mille défauts, mais pas une Face-Fille-Facile. Qui sait d’ailleurs s’il ne s’agit pas là d’un vilain défaut tout compte fait… Et bien soit ! Il est assumé et même revendiqué !

Photo par La Vilaine

Oh j’imagine sans difficulté vos petits sourcils froncés et les questions qui vous brûlent les lèvres. Où donc cette drôle de fille veut-elle encore nous emmener ? Prenez une aspirine, installez-vous confortablement, je vous explique…

C’est que je viens de recevoir encore une cordiale demande d’amitié Facebookienne, d’un pur inconnu et que ledit étranger me l’adresse sans un mot. Et Votre Vilenie a tout de même sa sensibilité, elle a beau ne pas être un modèle de romantisme, tout au fond bien planqué, elle a tout de même des petits principes de princesse aux petits pieds…

D’ailleurs, pour peu que vous suiviez mon blog avec un tout petit peu d’assiduité, vous avez déjà identifié l’incongruité de ces démarches face à ma parano assumée sur le sujet !

Alors j’adresse à mes nouveaux amis potentiels un petit mot avant de leur donner ma main. Et je fais de ce petit message, une sorte de premier rendez-vous, n’acceptant pas de laisser se glisser dans le lit de mon mur, comme ça, si vite et sans préliminaires, qui que ce soit… Je ne suis pas une Face-Fille-Facile, je défends un minimum la vertu de mon profil !

Et force est de constater, que déjà, l’envoi de ce message suffit à les décourager, ne voyant sans doute pas mon second degré un peu particulier, je mets fin à un début même pas démarré, confortée dans mon idée que même sur un réseau social virtuel, on ne s’invente pas des affinités…

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