Des vies d’oiseaux – Véronique Ovaldé

Des vies d'oiseaux - Editions de l'Olivier

Je guette toujours avec impatience les écrits de Véronique Ovaldé. Depuis « Déloger l’animal » je suis totalement enamourée de cet auteur aux petits mondes construits de toute pièce, à la prose moderne et enlevée, à la fois simple et travaillée. Elle fait partie de ceux (et ils sont rares) dont j’achète sans réfléchir chaque ouvrage et dont je peux assurer avoir tout lu.

C’est donc avec un plaisir par anticipation que j’ai ouvert « Des vies d’oiseaux » et si je dois avouer que je n’ai pas été emportée aussi rapidement qu’avec le roman sus-cité ou avec « Les hommes en général me plaisent beaucoup » qui restent mes deux préférés, j’ai été une fois de plus soufflée par son sens de la métaphore et des descriptions justes, animales et profondes, des sentiments humains. Véronique Ovaldé est à mon sens particulièrement douée pour l’extrême, la douleur et l’amour fou, les enfances négligées.

L’amour fou, au sens littéral, celui qui fait perdre la raison, celui qui emporte tout sur son passage, le désir sauvage et bestial. Dans « Les hommes en général me plaisent beaucoup » il n’est question que de cela, de la dépendance d’un corps à un autre, du souvenir que la peau peut avoir d’un amant au point d’annihiler tout entendement et de se jeter dans les bras de son bourreau volontairement. Et l’on retrouve ce violent besoin dans presque chacun de ses écrits, dans « Ce que je sais de Vera Candida » comme dans « Le sommeil des poissons ». Ceux qui me connaissent bien, savent que je ne goûte que peu les écrits « féminins-féministes » et encore moins les « romans-romantiques », il va donc sans dire (mais bien mieux en le disant) qu’il s’agit ici d’un traitement du récit bien différent. Certes, ces héroïnes se débattent pour se libérer de leurs chaînes, mais c’est pour mieux se laisser attacher par d’autres, car elles veulent appartenir pleinement, s’abandonner totalement : « Quand Adolfo lui avait dit qu’elle était dorénavant sa femme, elle aurait volontiers tendu ses deux poignets vers lui afin qu’il les menottât et la gardât pour lui seul, et cette idée pour Paloma était dérangeante, inédite et séduisante. »

La douleur, pour les mêmes raisons, lorsque les héroïnes pensent (et pansent) leurs blessures (et elles sont rarement épargnées par l’auteur), c’est avec des mots forts, des expressions métaphoriquement travaillées mais si proches de la réalité de chacun, si bien qu’elles résonnent et coupent le souffle. Du moins, le mien… « Elle va (…) afin de préserver sa tranquillité et de continuer à gratter délicatement chacune de ses cicatrices, refuser d’aller d’aller voir le docteur Kuckart, s’entraîner toujours avec plus d’acharnement et refermer une à une toutes les portes qui mènent jusqu’à elle. »

« Des vies d’oiseaux » n’échappe donc pas à cette règle, on s’amourache des personnages, on aime qu’elles aiment, qu’elles s’alanguissent, on souffre de leurs douleurs, on les réceptionne de l’intérieur.

« Elle a entendu la pluie qui tambourinait contre les volets et qui plicploquait au grenier pendant qu’elle était sous cet homme et que le sexe de cet homme dont elle était en train de devenir très amoureuse (ce sont des histoires d’ocytocine et d’on ne sait quoi qui la rendaient si triste et aimante et tendre), pendant que le sexe de cet homme était en elle, elle se fichait de ce que le docteur Kuckart aurait dit (quelque chose comme, « Méfiez-vous de la passion amoureuse, cette maladie mentale »), elle voulait juste que cet homme la complétât et la soulevât, dramatiquement, qu’il pressât sa queue dans sa bouche, que sa nudité fut complète et augmentée (…).»

« (…) quand elle ira la voir à l’hôpital et elle implorera muettement « Faites qu’elle meure pas, faites qu’elle meure pas », mais sa prière ne sera entendue de personne, les prières ne sont jamais entendues de personne, elles errent dans un grand désert gris et cendreux que le vent balaie sans jamais s’interrompre, et elles ne sortent jamais des ténèbres.»