La délicatesse

Se poser sur le sol

As-tu déjà, lecteur, fait des rêves au shaker ? Tu sais, ces rêves où tout est mélangé, où des personnes qui n’ont aucune raison d’être à cet endroit-là avec ces personnes-ci, à ce moment précis, sont réunies ? Ces rêves improbables mais parfaits.

C’est un peu le résumé de mon dîner de mardi. Des proches de lieux géographiquement éloignés assis à la même table, échangeant, riant, mangeant, buvant.

Moi, assise à la table d’auteurs admirables.

Et la délicatesse.

La délicatesse de mon compagnon de voyage, ma Vérité, studieux dans le TGV pour m’aider à dénicher l’extrait par lequel susciter le désir de l’auditoire.

La délicatesse de mon hôtesse, un quatre étoiles de tendresse à deux pas de la Place Clichy.

La délicatesse de mes amis restés ici, tapotant sur leur écran de téléphone pour m’envoyer des encouragements comme d’autres envoient des fleurs.

La délicatesse de Sorj Chalandon, attentif, présent, multipliant les attentions pour que je me sente à ma place, bienvenue, légitime à ses côtés.

La délicatesse de Frédéric Fredj, présentant mon livre et moi-même à l’assemblée avec tous les égards.

La délicatesse de Michèle Gazier, douce, souriante, s’offrant « Les fleurs roses du papier peint » et me demandant une dédicace.

La délicatesse d’une amie retrouvée chargée d’un cadeau sur fond de colibri, celle d’Annie, discrète et touchante.

Comme après un rêve au shaker, je peine à faire le tri de tout le bonheur reçu à Paris. Je peine à te raconter, lecteur, alors même que je sais tout de ta curiosité sur le sujet, il y a tant à dire et tant de précieux que je veux conserver juste pour moi. Ne m’en veux pas, ça viendra, par bribes ou par pavés jetés ici et là au fil du temps dès qu’il cessera d’être suspendu.

J’ai le coeur empli pour une vie.

 

Face à facebook (2ème partie)

Oui, donc deux semaines (bientôt trois) que je découvre le joyeux monde amical de Facebook et que, je dois vous l’avouer, j’ai déjà frissonné d’agacement contenu sur le contenu à plusieurs reprises.

A peine passée la ligne de cette nouvelle dimension, les quelques réglages effectués, les amis (les vrais, si, si) contactés, l’intrusion commence. Facebook, tout bien fichu dans son omniscience, me propose tout un tas de nouveaux amis à ajouter absolument. Voilà qui n’est pas fait pour rassurer une parano déjà bien ancrée sur le monde merveilleux des réseaux sociaux. Je suis tracée, chacune de mes recherches est répertoriée et recoupée avec les recherches d’autres membres afin d’en déduire nos possibles affinités et familiarités. George Orwell si tu m’entends, tu n’étais pas loin de la vérité, la forme t’étonnerait sans doute et sans aucun doute le fait que l’on s’y inscrive sans contrainte, fous que nous sommes !

vilainefacebook

Infographie par La Vilaine

Encore totalement vierge sur le tissu Facebook, j’explore les possibilités de ce labyrinthe avec l’avidité d’une pucelle découvrant Sade, en passant de la page d’un contact à un autre, et en viens à un second constat : j’étais bien plus heureuse avant de découvrir les dates de naissance de certaines de mes relations ! Donnez-moi rapidement un valium, de la téquila, un masque anti-rides et un oreiller pour y faire couler mon mascara ! C’est donc ça facebook ? Un instrument de torture à l’encontre des naïves qui pensaient être fraîches comme la rosée ? Briseur de rêve ! Assassin de Père Noël !

Je chasse d’une main mes ridules ridicules, que le mascara coulé a cruellement accentuées, et plonge ma sonde exploratrice un peu plus en avant de ce gros colon que je viens tout juste de coloniser (ou est-ce l’inverse ? Dans le doute, je réajuste mon assise pour une meilleure étanchéité).

Le ravissement n’est plus bien loin, et une fois de plus il se fait par le truchement de mon ami Frédéric Fredj, qui, non content de m’avoir offert sur un plateau gargantuesque des dîners littéraires réjouissants, m’offre de partager avec lui quelques merveilleux amis. Je me rassérène, et entame une petite danse du poulet revigorante (si vous n’avez jamais réalisé les quelques pas de la danse du poulet, vous avez le droit de vous gausser, pour les autres vous savez parfaitement de quoi je parle et affichez déjà un sourire de connivence, je le sais).

Je ne citerai pas ici les personnes qui ont alors rejoint mon petit cercle, pas plus que celles que j’ai eu le plaisir de retrouver, elles se reconnaîtront pour peu qu’elles me lisent. L’important est que je l’avoue, oui, je suis ravie de m’être inscrite et de pouvoir dès lors échanger avec quelques personnes qui ont toute mon amitié ou toute mon admiration, certaines ayant même les deux…

Et que oui, je continuerai à m’énerver chaque fois que Facebook aura le culot de me suggérer d’écrire à untel, parce qu’à son humble avis de programme informatique qui ne connaît pas grand chose aux relations humaines, mon silence envers ce contact est trop long. Je continuerai à m’exaspérer de l’aspect intrusif de certaines suggestions, me confortant dans mon idée que l’intimité ne peut être totalement préservée en ce lieu (George, là encore, si tu m’entends). Mais je me réjouirai surtout de partager les passions d’êtres passionnés, de découvrir les visages qui veillent à présent sur mes amis que la distance a éloignés ou encore de pouvoir offrir en quelques mouvements de doigts un moment amusant, agréable ou attachant aux personnes auxquelles je suis attachée…

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Thierry Jonquet ou les découvertes des dîners Mille-Feuilles

J’ai rencontré Thierry JONQUET lors d’un dîner Mille-Feuilles. Qu’est-ce donc que cela ? vous demandez-vous la bouche ouverte et l’œil vitreux. Les dîners Mille-Feuilles sont des soirées littéraires créées en 1998 par un passionné de littérature nommé Frédéric FREDJ. Une fois par mois, au restaurant CANDIDE dans le 11ème, des auteurs et leurs éditeurs viennent présenter leur livre lors d’une soirée thématique. Le libraire de L’ALINEA met également à disposition les ouvrages dont il est question, afin que nous puissions, si par malheur nous ne connaissions pas les écrivains avant de venir, faire l’acquisition des ouvrages concernés mais aussi des précédents. S’ensuit un dîner en leur présence, avec en dessert l’inévitable mille-feuille.

Ces soirées sont riches en discussion, les auteurs ouverts aux questions, parfois un peu mal à l’aise mais toujours très disponibles.

Je suis plus qu’admirative du travail effectué par Frédéric FEDJ, car sachons-le, cet homme a un vrai travail, en rien littéraire, et consacre donc un temps non compté à la préparation de telles soirées. Grâce à lui j’ai découvert et lu des auteurs vers lesquels je ne serais sans doute pas allée : Léon WERTH, anti-militariste qui écrivit notamment sur les tranchées de 14-18 (« Clavel soldat ») ou sur l’exode des parisiens en 1940 (« 33 jours »), qui n’était guère présent lors de la thématique qui lui était consacrée, et pour cause, il est décédé en 1955 ; Pierre BERGOUNIOUX dont l’érudition et les talents d’orateur m’ont bouleversée et poussée à acquérir immédiatement « Carnets de notes » ; et enfin, donc dernièrement Thierry JONQUET.

MolochJe ne suis pas fanatique des polars à l’exception de rares auteurs (James Ellroy), mais le plaisir des soirées Mille-Feuilles est tel que je ne regarde que peu le thème abordé, juste mon agenda pour en viser la disponibilité. Thierry JONQUET était donc l’un des trois invités d’une thématique « romans noirs » et venait présenter « Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte » son dernier opus. La genèse de ce roman est en elle-même intéressante ; un an avant les émeutes qui secouèrent les banlieues, cet ancien professeur d’établissement spécialisé, alla voir son éditeur pour lui parler de sa nouvelle idée, un livre sur l’explosion des banlieues, insistant sur le fait, que ça finirait par péter. Il le savait, vivant avec ces gamins désespérés, leur enseignant depuis des années, il s’étonnait même que cela n’ait pas encore pété. Et puis après avoir adressé les premiers feuillets au Seuil, il reçoit un appel de son éditeur qui lui demande de mettre LCI car son roman est aux infos ! Les émeutes ont commencé… Cet auteur a donc achevé son écriture alors même que la réalité rejoignait sa fiction.

J’ai acheté ce titre, par curiosité. En le feuilletant sous le regard du fournisseur officiel de nos dîners, j’ai remarqué qu’il avait aussi amené « Moloch » un livre plus ancien de ce même écrivain. Comme toujours, je n’ai pu me résigner à choisir, et suis repartie avec les deux. Je viens d’achever « Moloch », polar très noir, que j’ai dévoré en quelques jours, malgré une semaine horriblement chargée. Construit et découpé de manière très habile, à chaque chapitre sa partie du puzzle, puzzle dont les pièces s’embriquent peu à peu, tant et si bien que l’on ne peut que se presser de terminer l’un pour connaître la suite de l’autre. Je n’avais eu cette sensation d’urgence que dans un autre livre construit de façon similaire : « L’échiquier du mal » de Dann Simmons. J’adorerais en exposer un peu plus, mais ce serait vous priver de la découverte de son intrigue, dont même les victimes ne sont révélées que tardivement.

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