Mouchez-vous

Mouchez-vous

Soyez une mouche…

C’est merveilleux une mouche.

La mouche se fait écraser par une paume de main, une tapette, un torchon, un dossier, elle chute au sol dans un froufrou désespéré, échoue, plate et anéantie, sur le lino mal fini.

Et par une ressource mystérieuse que l’on pourrait presque oser appeler « résilience » pour satisfaire à la mode du vocabulaire à tout dire et à tout faire ou pour faire plaisir à Cyrulnik, par on ne sait quelle capacité de Phoenix brachycère, elle se regonfle, littéralement, elle se regonfle, lisse brièvement ses ailes froissées-écrasées-pliées, secoue ses balanciers et repart vrombir de plus belle pour dévorer le monde et la merde dont elle le débarrasse.

C’est merveilleux une mouche… C’est finalement très inspirant…

Soyez une mouche.

Chaleur

Chaleur

Brûlante, assaillie par la fièvre, je chauffe le lit…

J’étire mes jambes pour chercher un peu de fraîcheur, je repousse la couette, tout brûle, je pense : « Si je regarde assez attentivement, je devrais apercevoir de la vapeur s’échapper de mes bras ». Je suis un panneau irradiant, une bouillotte, un sauna aux yeux brillants.

Je repense à Joseph Incardona et à son « Chaleur », je me dis qu’il faut t’en parler, lecteur grippé, qu’il te faut découvrir (si ce n’est déjà fait), cet auteur à l’écriture incisive que je t’avais déjà conseillé ici.

Je repense à Niko, Igor et aux cabines chauffées à 110°C. Tout un roman sur un championnat du monde de sauna, mais ce pourrait être n’importe quoi, n’importe quel autre dépassement de soi et de son orgueil. Je me remémore la quatrième de couverture, son dernier paragraphe :

« Aussi dérisoire que soit l’enjeu, au-delà de toute raison, la rivalité peut parfois pousser l’homme à la grandeur. À la fois pathétiques et sublimes, Niko et Igor illustrent avec éclat le désir d’absolu de la nature humaine »

Je me fais un grog, fort, bouillant, je l’avale en grimaçant, je suis mentalement son trajet cuisant le long de mon oesophage.

J’évoque à part moi quatre passages de ce livre qui m’ont marquée aussi sûrement que ce coup de froid marque mon visage de cernes noires :

« À force de règlement, ils mourront en bonne santé. Y aura finalement tellement d’organes à disposition qu’ils les gaspilleront en les donnant à des alcooliques et des psychopathes »

« Alexandra recule. Comme avec toute chose qui fait mal, mais qui vise juste. Elle recule »

« Alexandra acquiesce, elle aussi pourrait mourir ce soir, rien à foutre, mais elle ne le sait pas. Les extrêmes sont si proches qu’ils vont bientôt se toucher »

« Il faut avoir essoré l’âme : levier magique au bout duquel brille le diamant de la bravoure »

Je cale un oreiller contre mon ventre, passe ma cuisse par-dessus l’amas duveteux, pose mon pied contre celui de fer froid du lit, je m’abandonne à la chaleur, je laisse la fièvre faire son oeuvre : nettoyer, essorer…