Entre nos mains, leur nez en apnée

Tu es là à te réjouir de ce jour béni du déconfinement.

Tu es là, heureux, dans toute ta gloire joyeuse à vouloir festoyer, parfois même un peu avant et, bon sang, comme je te comprends.

Mais tu oublies qu’il s’agit là d’un déconfinement partiel, un timide pas en avant.

Tu oublies que, pour beaucoup, c’est encore le temps du confinement : artistes, restaurateurs, propriétaires de ces bars où tu aimes tant aller boire, tous attendent encore patiemment…

Tandis que tu es en liesse, eux, attendent sagement. Anxieusement et sagement…

Trois semaines, trois petites et longues semaines entre tes mains, entre nos mains, entre les mains de chacun, trois semaines en apnée avant d’être vraiment délivrés.

Entre nos mains, il y a leur nez en apnée.

Parce que de ton sérieux, de mon sérieux, de notre sérieux à tous et à chacun, s’aplatira cette fameuse courbe dénuée de toute sexualité (eh, je sais, lecteur célibataire confiné, combien tu as faim et combien, de ce fait, tout revêt vite une nudité hypersexuée, ne le nie pas, je le sais).

Et, peu importe de savoir si ces mesures sont justes, justifiées, exagérées… peu importe les théories du complot ou ultracrépidarianisées, peu importe les nobélites et les Dunning-Krugger effets, ces mesures sont là et, si la courbe asexuée ne redescend pas, les décisions contrariantes vont tomber : point de réouverture, point de concerts, point de verres partagés hors des limites de ton chez toi, de mon chez moi.

Alors oui, lecteur impatient de retrouver ce que tu aimais, pense que trois petites semaines, le temps d’un « laisser et voir », c’est aussi le temps de ne pas ruiner tous tes espoirs de retrouver cette liberté qui t’a tant manqué. C’est éviter que le déconfinement ne se transforme en déconfiture amère et frustrée.

La vérité est dans l’étron

La girafe flotte sans grâce et sans bouée ?

J-4 avant les vingt-deuxièmes Ig Nobel et ceux qui me connaissent (moi et ma propension à me réjouir de petits riens) savent que je guette chaque année avec la ferveur de la jouvencelle attendant qu’enfin on la dépucelle, cet événement bien trop ignoré médiatiquement.

Un homme ayant le bon goût de partager avec moi l’humour potache et l’amour immodéré de l’absurdité, me fit récemment part d’un numéro de Sciences et Vie, reprenant quelques études bien senties dignes de figurer parmi les prix de cette étonnante cérémonie. N’ayant guère pu me procurer ledit numéro, j’ignore si d’aucuns furent déjà récompensés par ailleurs ou s’il s’agit de prétendants aux Oscar de la science saugrenue… Je vous vois, vous, là, devant votre écran, le regard lourd de reproches : « Comment La Vilaine, on ne vérifie pas ses sources ? Quelle légèreté ! Quelle inconséquence », certes… Mais à ma décharge, je dispose actuellement de si peu de temps pour coucher des mots sur mon écran, que lorsque l’occasion s’allie à l’inspiration, je m’engouffre sans que la gêne m’étouffe… Cela dit, promis, si je récupère ce Sciences et Vie, je vous en livre une étude approfondie à l’aide d’une Maj glissée ici (comme disent ceux qui usent de l’informatique comme d’autres ont des tics).

Mais revenons-en à nos études scientifico-absurdes. Parmi celles portées à ma connaissance, deux ont particulièrement retenu mon attention : « Si elle n’a pas pied la girafe peut flotter mais sans grâce » et « Culinairement parlant, le bousier est attiré par les étrons qui puent ». Je vous passe bien évidemment tout ce qui concerne le fait que des scientifiques puissent conduire des recherches subventionnées sur pareilles études, et l’incroyable cheminement qui a pu les y mener, celui qui connaît les Ig Nobel y étant (presque) habitué.

Pour ce qui est de la première, « la girafe qui flotte sans grâce » (je vulgarise pour le néophyte), toute mon interrogation réside dans le « sans grâce ». Comment mesurer scientifiquement la grâce ? Philosophiquement, les bacheliers sueraient déjà sur leur copie si toutefois on leur demandait de définir la grâce, mais scientifiquement ? L’affaire me semble si complexe, que je demanderais bien à mes lecteurs (ceux qui restent malgré mon manque d’assiduité, y’en a bien un ou deux…) de me fournir une dissertation sur ce sujet passionnant faute de parvenir à dénicher cette merveille d’étude (et je vous assure que j’ai cherché).

Quant à la seconde, « le bousier est attiré par les étrons qui puent », elle s’est acquise toute ma tendresse tant elle résonne à mon oreille comme l’un de ces proverbes africains lourds de sens et de vérité, et tant je vois de nombreuses occasions de servir cette assertion (et pas que lors de rendez-vous culinaires).