De L’Hêtre pour l’être

Je lance un projet. Un projet un peu fou et ambitieux, un projet mûrement réfléchi depuis le premier confinement (note, lecteur déconfiné, comme les confinements datent à présent nos événements). 

Je lance un projet un peu fou et ambitieux, donc, une maison d’éditions associative mais pas seulement. Une association de promotion de la littérature et de l’art sous toutes ses coutures. Une association qui proposera des ateliers d’écriture, des stages, des conférences, des concerts, des expositions.

J’ai toute conscience que ce ne serait pas facile, personne n’a dit que ce serait facile. 

Je sais. 

Je sais que des soutiens insoupçonnés viendront, je sais que des portes que j’aurais imaginées ouvertes se claqueront. Je sais que de nouveaux « amis » se déclareront, mus par l’ineffable attraction de l’intérêt tout personnel. 

Je sais. 

Je sais que j’aurai des déceptions cruelles et des peines plein les veines, je sais que ce sera un prisme révélant des anguilles sous les roches. Je sais. Mais j’y vais. 

J’y vais, justement parce que je sais. 

Je sais aussi qu’il y aura des soleils dans les orages, des bonheurs en pagaille, de la foi renouvelée en l’humain, du partage, de l’aventure, de l’émulsion, de la nourriture pour le corps et pour l’esprit. 

Je sais, alors j’y vais. 

Très vite, lecteur curieux, je te présenterai le site et les premiers événements, tu peux d’ores et déjà « j’aimer » la page FB des Éditions de l’Hêtre, une maison qui aime sincèrement les lettres et l’être et pour ce qui est de l’hêtre, si tu me connais, TU sais…

Le paradoxe du temps

C’est terriblement paradoxal, l’enfermement a, dans la tête des gens, une image qui implique d’être serré, collé, de manquer d’espace… Tu m’accorderas, lecteur empêché, que l’on n’imagine pas un instant, à la lecture d’un livre ou lors d’une conversation ayant pour objet la prison et son/sa prisonnier/ère, un homme ou une femme disposant d’un 100 m2 ; se mouvant avec le geste large ; contemplant, la nuque cassée en arrière, une hauteur sous plafond permettant l’installation d’un trampoline sans risquer jamais de loger sa fontanelle dans ledit plafond lors d’un rebond…

Non : l’enfermement, le confinement, a bien, dans la tête des gens, cette idée d’étroitesse,  de collé-serré, de petitesse, du prisonnier replié sur lui-même pour sortir du dessous d’un lit superposé (c’est, chez moi, la première image qui vient, instinctivement) et pourtant…

Il est donc terriblement paradoxal que, en cette période de confinement et donc d’enfermement, où notre espace est réduit aux mètres carré de nos appartements (ceux qui ont de la chance auront, en comptant le jardin, bien plus grand), dans cette intervalle d’enfermement, de serré, de collé, de petitesse, eh bien le temps est étiré, immensément, il n’aura jamais eu plus de place que maintenant.

« Ce n’est pas que j’ai des pensées contradictoires mais les choses le sont : les nuits sont longues mais je trouve malgré tout que le temps passe vite » – Frédéric Berthet – Journal de Trêves

De l’irrationalité du sentiment

Lobotomisé

Nous sommes dans une société évoluée. Super évoluée, trop évoluée.

Nous avons mis derrière nous l’instinct, la nature, l’essence même de qui nous sommes au profit du rendement, de la productivité (sujet de mon roman, notamment).

À tel point qu’il faut décortiquer à peu près tout ce qu’il nous arrive pour « avancer ». On nous demande de nous tourner sur le passé et sur tout ce qui touche à nos émotions.

On analyse, on rationalise, tout et aussi parfois un peu rien.

À tel point que l’on rationalise aussi les émotions, à grands renforts de « compréhension », on se demande constamment quelle part est touchée, ce qu’il convient de travailler pour être meilleur, moins touché, plus ancré, plus droit, bref, à nouveau « pour avancer » dans une course effrénée au mieux-être.

Je ne suis pas la dernière dans ces cheminements… Et pourtant…

Et pourtant, je m’interroge sur un point : il n’y a rien de plus irrationnel que l’amour. Si irrationnel que le lobe frontal de ton cerveau, lecteur-trituré, cesse totalement de fonctionner pendant les deux premières années de ta rencontre avec ta dulcinée-belle-en-cuisses, avec ton Roméo-bien-gaulé.

Littéralement, ton lobe frontal se met à l’arrêt. Il cesse de juger (c’est la zone qui y est tout à plein consacrée) socialement, physiquement, rationnellement à peu près deux ans. En gros, le temps de procréer…

Et toi, on te demande de rationnaliser tes besoins, tes émotions, et comme un con, tu bosses à y accéder.

As-tu idée finalement, de l’énergie que tu perds, et du temps… Et pour peu que tu sois du genre à bouillonner du cervelet jour et nuit, te voilà bien marri (et quelque peu marqué, « paupièrement » parlant).

Alors même que ton cerveau, pourtant parangon de la conception, s’évertue à te démontrer qu’il convient de te laisser porter, tu cherches à trancher un noeud on ne peut plus Gordien.

Et tu t’étonnes d’en baver ?

Je te le répète, lecteur-dévasté, il n’y a pas plus irrationnel que le sentiment amoureux. Partant de ce constat, à quel moment tes besoins, tes demandes, tes inconforts pourraient s’avérer eux-mêmes rationnels ? À aucun, si tu y réfléchis bien.

Alors, cesse de penser, cesse de juger, demande ce dont tu as besoin, cherche ce dont tu as besoin, et si ce n’est pas rationnel, si une part en toi voit bien que c’est n’importe quoi, fous-en toi.

Ce sont tes besoins, ils se doivent d’être comblés, rationnels ou pas. Puisque le sentiment ne peut être rationnel par essence même, attends juste que l’on t’aime dans ton entièreté, avec ton lobe frontal à l’arrêt et ta flamboyante irrationalité.

 

 

Allers et retours

Je te vois…

Hier soir, j’ai reçu le merveilleux commentaire de Pascale sur mon article précédent. Tu l’as peut-être lu, lecteur, ou peut-être pas. Au-delà de l’opinion qu’elle livre sur mes écrits et qui me remplit le coeur (comme à chaque fois que je lis tes commentaires, lecteur, j’en suis retournée et émue), elle s’est interrogée sur la frustration possible de ne pas avoir de retour sur mes billets.

Alors, je veux la rassurer, et peut-être en rassurer d’autres : comme elle l’a dit, « on ne fait pas ça pour ça« , pour moi, écrire est un besoin avant tout, écrire me fait du bien, écrire est comme me nourrir. J’écris ici et ailleurs, chaque jour, sur différents supports, certains de ces écrits restent et resteront à jamais dans le duo intime que je forme avec mon ordinateur, d’autres sont des lettres, des mots (toujours trop longs sans doute) glissés-donnés à ceux à qui ils sont destinés, d’autres enfin alimentent un long document qui prendra, tôt ou tard, la forme de mon prochain roman. Il est donc vrai que je n’écris pas, en priorité du moins, « pour ça » mais ce serait mentir que de ne pas te dire que je le fais aussi « pour ça ».

Parce que je t’écris, comme elle le dit très justement, et je sais que tu me lis. La magie d’Internet m’offre une vigie : je sais combien viennent me lire chaque jour (et vous êtes souvent proches de la cinquantaine les jours de nouveaux billets), je sais ce qui est lu, je sais si tu cliques sur ce lien ci ou celui-là. En somme, même sans retour palpable, je sais que tu me visites, de façon quasi fantomatique, je vois ton ombre sous forme de graphique et, au-delà des statistiques, je sens ta présence derrière ton écran, à l’instant même où je pianote sur les touches, là, en écrivant ce billet, je te sens derrière ton écran, c’est bien à TOI que j’écris.

Parce que ce qui m’anime, t’anime peut-être parfois, parce que ce qui me fait rire, te fait peut-être rire comme moi. Parce que la vie, pour moi, c’est du partage et que les livres, les lettres, les mots, en sont un des plus beaux.

Alors je profite du si joli commentaire de Pascale pour te remercier, lecteur attentionné, de ta présence sans cesse renouvelée (et grandissante), pour tes « j’aime », tes partages de publication, tes commentaires et même l’absence de tes commentaires, je te remercie pour les graphiques que tu animes en courbes et qui ne lassent de m’étonner, je te remercie aussi (pour les plus fidèles et anciens lecteurs) pour le soutien que tu as porté à mes livres et espère que tu seras récompensé par le prochain.

Merci.

Sens dessus dessous

encore un rayon

On a cru que c’était fini, on a fermé les fenêtres, on a sorti les pulls, on s’est blotti sous les plaids, on a senti ce froid qui reste à l’intérieur et que seule une douche brûlante parvient à apaiser.

On a cru que c’en était terminé alors on a bougé les meubles comme pour bouger l’humeur, comme pour hiberner, se préparer à cocooner, ça avait du sens de les changer de sens, ça avait du Vian, ça avait un air de jours qui s’écument.

On a cru que c’était achevé, il a même neigé, on a trouvé que ça piquait cette brutalité, tous nos sens en étaient paralysés.

Et puis, le tout s’est réchauffé, comme le regain des lits de mourants, l’été a tout redonné dans un sursaut de fierté.

Alors on se précipite pour profiter des derniers rayons, on prend d’assaut les plans d’eau, on bavasse en terrasse, on cherche à oublier que, bientôt, ce sera vraiment terminé.

Comme une soudaine fugue, comme on retient le temps, on prend tout ce qui peut l’être et qui peut nous ramener à la liesse de l’été.

Alors on s’accroche comme des désespérés, comme si une saison pouvait nous sauver, comme si seul un été pouvait nous remplir, nous donner, nous libérer.

On a cru que c’était fini, que c’en était terminé, on a cru que c’était achevé, qu’on l’avait rêvé.

Mais tout s’est réchauffé et tant qu’il y est, ce n’est pas totalement terminé, tant qu’il y a été, on n’a pas rêvé, c’est que l’on y a été…

 

Trois mots

Sujet, verbe, complément

Il y a ces trois mots que certains refusent de prononcer, parce qu’ils sont usés à force d’avoir été prononcés, parce que, pensent-ils, les actes valent bien plus que les mots, parce que… tout un tas de bonnes raisons.

J’ai fait partie de ceux-ci, j’en ai fait partie presqu’une vie. Hormis pour mon enfant, j’ai toujours estimé que ces mots étaient creux lorsqu’il s’agissait du dialogue amoureux. Je ne sais plus qui disait qu’une fois qu’on a dit « je t’aime » tout est dit, que dire de plus, il n’y a plus rien à dire après. J’ai validé ce postulat autant que j’ai validé toutes les raisons entendues, lues çà et là pour ne pas les dire.

Il y a dans ces trois mots quelque chose de plus grand que nous, une boîte de Pandore que l’on craint d’ouvrir, une mise à nu, un point de non-retour qui ne découle pas uniquement du postulat cité plus haut, non, il y a aussi une forme d’abandon que l’orgueil, l’égo (appelez ça comme il vous plaira) se refuse à donner. Un peu comme si une fois ces trois mots prononcés, le rejet (par non réponse, moquerie, ou par un « moi non plus ») s’enveloppait tout à trac d’un voile d’affront insurmontable, d’une humiliation encore plus cuisante que s’ils avaient été tus.

Il est paradoxal (et tu sais, lecteur, combien j’aime les paradoxes) de constater combien ces trois mots, pourtant positifs, généreux, doux, peuvent effrayer. Car ils effraient aussi l’oreille de celui qui craint l’engagement, la déconvenue, ou encore (et surtout) de celui qui ne partage pas ces sentiments et les reçoit aussi abruptement qu’une grenade dégoupillée. Ils sont violents à recevoir lorsqu’ils ne sont pas partagés, il est vrai. Qu’est-ce que l’on en fait ? Que répondre à celui ou celle qui vient de poser son coeur sur la table, qui vient finalement de se foutre à poil lorsque l’on ne partage pas ses sentiments ?

Et puis vient un jour où ces mots vous brûlent les cordes vocales, vous piquent la langue, vous étouffent, parce que c’est lui, parce que c’est elle. Soudain, cette petite phrase qui nous semblait simpliste (sujet, verbe, complément), presque méprisée, cette petite phrase devient obvie et balaie les certitudes d’une vie. Il arrive cependant que l’on continue de les taire, par couardise, peur du rejet, peur du ridicule aussi parce que sans doute que tout plein d’autres les lui ont déjà dits. On se mord nerveusement les lèvres, on ne les murmure que dans sa tête (et même là, on se sent un peu con), on retient son souffle et l’on surveille chacune de ses phrases, histoire de s’assurer qu’ils ne vont pas nous échapper dans un moment d’égarement. On cherche à les maîtriser comme on cherche à maîtriser la danse de ses sentiments, quitte à pencher dangereusement vers l’alexithymie.

Et puis vient un jour où on nous les dit, ces trois mots, et où, tout soudainement, on les trouve incroyablement beaux, comme une musique que l’on a envie d’écouter en boucle, jusqu’à une hypothétique satiété. Parce qu’au fond, si effectivement les mots paraissent bien pâlichons face aux actions, si ceux-là sont particulièrement galvaudés, selon ce que l’on met dedans en les prononçant, selon la délicatesse avec laquelle on les inscrit dans une vie et tout particulièrement s’ils en avaient été jusqu’ici absents, ils prennent tout leur pouvoir et l’on se laisse émouvoir comme jamais.

Ne t’abstiens jamais, lecteur amoureux, ne retiens jamais ces trois mots-là, ils peuvent bouleverser une vie.

L’équation à double inconnues

Equation

C’est la rentrée des classes et tu as le nez encore à peine relevé des couvertures de manuels scolaires, alors forcément, ce titre, limite, tu l’abhorres, tu le vomis, au mieux tu te méfies. Je te rassure, lecteur-parent-d’élève, je ne vais pas t’infliger une énième réunion de rentrée.

Non, je t’ai parlé hier, lecteur, entre autres choses des délices que peuvent représenter l’attente. L’attente qui suit l’action mais, à la réflexion, j’ai eu envie de te causer de celle qui précède l’action. Parce que, de la même manière, elle reste gravée à jamais, parce que, de la même manière, il y a un soi d’avant et un soi d’après, parce que, de la même manière, il y a un tournant.

L’attente avant un entretien important, l’attente avant que le rideau se lève et que tu joues, l’attente avant que tu prennes la parole pour présenter une création, l’attente avant la naissance d’un enfant.

Et puis il y a des attentes plus « banales » mais qui nous marquent tout autant, souviens-toi, lecteur de tous ces moments qui t’ont paru longs tant l’impatience te vrillait les tripes, tant l’inconnue te resserrait la gorge, reviens-y, rappelle-toi. L’attente avant ce premier rendez-vous, l’attente interminable avant le premier baiser, l’attente d’un frôlement qui flinguera ta pariétale ascendante avant d’envoyer valser la table…

Et puis… La toute petite, l’infime, la presque invisible seconde juste avant. La seconde, la milli-seconde, même, où tu décroches le téléphone (étrange expression, à présent), la milli-seconde qui précède le baiser ou l’emballement, le minuscule instant que tu n’as qu’à peine eu le temps de percevoir et qui est pourtant le paroxysme de tout ce qui a précédé et de tout ce qui s’ensuivra. Repenses-y, elle est là, cette milli-seconde, dans un recoin de ta tête aussi infinitésimal que sa durée, mais elle est bien là sous la forme d’un regard brillant, d’une main qui saisit, d’un colossal trois fois rien.

Il y a un avant et un après à toutes ces attentes, il y a un soi d’avant et un soi d’après ces premières fois, c’est l’attente parfois inconsciente du tournant.

Mais si tu y reviens, lecteur, rappelle-toi bien. Ce tournant, on le sent. On sent la différence de ces attentes, on sent qu’elles marquent un tournant pour peu que l’on écoute attentivement son plexus et ses étranges bruissements ; pour peu que l’on entende ce que nous chuchote le reptilien.

C’est ce à quoi j’ai songé hier soir après avoir achevé de t’écrire que « la seule attente qui vaille est celle d’une réponse, d’une suite à donner, de résultats, d’une décision, peu importe tant que l’attente suit l’action », je me dédis donc dans cet article-ci.

Il y a une autre attente des plus précieuses, des plus excitantes et des plus belles, celle qui précède l’action à double inconnu(e)s.