La délicatesse

Se poser sur le sol

As-tu déjà, lecteur, fait des rêves au shaker ? Tu sais, ces rêves où tout est mélangé, où des personnes qui n’ont aucune raison d’être à cet endroit-là avec ces personnes-ci, à ce moment précis, sont réunies ? Ces rêves improbables mais parfaits.

C’est un peu le résumé de mon dîner de mardi. Des proches de lieux géographiquement éloignés assis à la même table, échangeant, riant, mangeant, buvant.

Moi, assise à la table d’auteurs admirables.

Et la délicatesse.

La délicatesse de mon compagnon de voyage, ma Vérité, studieux dans le TGV pour m’aider à dénicher l’extrait par lequel susciter le désir de l’auditoire.

La délicatesse de mon hôtesse, un quatre étoiles de tendresse à deux pas de la Place Clichy.

La délicatesse de mes amis restés ici, tapotant sur leur écran de téléphone pour m’envoyer des encouragements comme d’autres envoient des fleurs.

La délicatesse de Sorj Chalandon, attentif, présent, multipliant les attentions pour que je me sente à ma place, bienvenue, légitime à ses côtés.

La délicatesse de Frédéric Fredj, présentant mon livre et moi-même à l’assemblée avec tous les égards.

La délicatesse de Michèle Gazier, douce, souriante, s’offrant « Les fleurs roses du papier peint » et me demandant une dédicace.

La délicatesse d’une amie retrouvée chargée d’un cadeau sur fond de colibri, celle d’Annie, discrète et touchante.

Comme après un rêve au shaker, je peine à faire le tri de tout le bonheur reçu à Paris. Je peine à te raconter, lecteur, alors même que je sais tout de ta curiosité sur le sujet, il y a tant à dire et tant de précieux que je veux conserver juste pour moi. Ne m’en veux pas, ça viendra, par bribes ou par pavés jetés ici et là au fil du temps dès qu’il cessera d’être suspendu.

J’ai le coeur empli pour une vie.

 

Le paradoxe de la valise

Des livres et du bonheur

J’ai mis dans ma valise dix exemplaires de mon livre (et ceux de ma génération qui ont cette vilaine propension à avoir un juke box pourri dans la tête, devraient avoir une certaine chanson pour enfants dedans à la lecture de cette phrase).

J’ai mis dans ma valise, aussi, les exemplaires des livres de Sorj Chalandon, Michèle Gazier et Michèle Lesbre, dévorés en amont, mon côté bon élève m’ayant poussée à les lire avant pour échanger avec conviction.

J’ai mis dans ma valise trois vêtements, peu de choses, pas besoin de tant.

Mais, surtout, j’ai mis dans ma valise de la joie, du bonheur, de l’excitation. J’ai laissé les attentes, elles écraseraient la joie et me chargeraient pour rien. J’aime mieux y aller tout juste vêtue d’un brin d’ivresse, je ne crains pas de prendre froid.

C’est rudement lourd une valise pleine de joie et de bonheur. Bien plus lourd que tout le reste du contenu.

C’est paradoxalement incroyablement léger une valise remplie de joie et de bonheur, c’est une plume volée à des ailes encore faites de duvet.

À demain, amis Parisiens.