Semer

Bookcrossing

Te souviens-tu, lecteur victime d’Alzheimer, je t’avais confié que je voulais m’essaimer, me semer (mais s’aimer c’est compliqué) ?

T’en souviens-tu que j’avais pour projet de me déposer (à tout le moins des exemplaires des Fleurs roses du papier peint) de-ci, de-là, au hasard ? Si toutefois tu as la mémoire qui flanche, que tu ne te souviens plus très bien (lecteur Juke Box, ne me remercie pas), fais un petit effort des doigts et clique . Si tu as oublié, sache que je ne te le reproche pas, moi-même, j’avais un peu négligé cette idée-là, toute centrée que j’étais à fouetter d’autres chats, à tisser un joli réseau d’artisans-distributeurs-soldats (un resto ici, un chocolatier là, un bar un peu plus loin, des lieux vivants et des vrais gens aux valeurs qui s’accordent parfaitement à celles de mon roman – d’ailleurs si toi aussi tu veux me proposer dans un lieu, contacte-moi ici en bas ou sur FB -).

Et puis ce matin, la mine renfrognée des dimanches sans grasse matinée, en farfouillant sur le net (et le moins net, je n’avais pas mis mes lunettes), je suis tombée (sans trop me blesser) sur ça : Bookcrossing.com

Bookcrossing, c’est quoi ? C’est un site tout dédié à l’idée de semer, une graine et un voyage tout à la fois, c’est une action, un petit pas vers les autres, c’est du partage, de l’échange et même un peu de magie. Tu vois, lecteur, ce livre que tu as tant aimé (et je ne te cause pas de moi mais de celui que tu voudras, celui qui t’a transporté, que tu as aimé et que tu estimes assez pour désirer qu’il soit lu par d’autres, beaucoup d’autres, qu’il soit découvert et aimé, celui que tu racontes dès que l’occasion t’est donnée, celui que tu introduis avec des points d’exclamation enthousiaste, celui pour lequel tu mords tes lèvres afin d’en dire assez mais surtout pas trop pour ne pas gâcher), eh bien ce livre, tu peux le faire voyager très loin.

Pour cela, il te suffit de t’inscrire sur le site Bookcrossing.com, d’enregistrer ledit ouvrage de ton coeur, de l’étiqueter (étiquette à générer sur le site), puis de le « libérer dans la nature » ou, comme l’explique si bien le site, de créer « une Zone de libération officielle BookCrossing » (ou « OBCZ »), un lieu physique où des livres sont régulièrement libérés et/ou attrapés« .

Le plus joli dans tout ça, c’est qu’ensuite, via le site, tu peux suivre le voyage de ton livre : « Quand un nouveau lecteur trouve votre livre, il peut entrer le BCID sur BookCrossing.com et indiquer que le livre a été trouvé. Les commentaires concernant votre livre vous permettent de savoir où il est, qui est en train de le lire, et de le suivre où il va ensuite » et Dieu seul sait jusqu’où il ira.

Alors voilà, je vais libérer un peu de moi dans la nature, je vais me lancer avec élan dans cette (tout petite) aventure réjouissante et je t’enjoins à faire de même parce que la littérature, comme le bon vin, comme le café, comme un repas amoureusement préparé, ça se partage, ça se transmet.

Les chaînes de bonne conscience

© La Vilaine (photo et montage)

Je reçois régulièrement des chaînes de solidarité par courriel, je lis des statuts Facebook m’enjoignant à copier une pensée solidaire, et je suis toujours agacée par ces messages qui  atterrissent systématiquement dans ma poubelle virtuelle, sans plus de cérémonie.

Ces « chaînes de l’espoir » sont à mes yeux des chaînes de bonne conscience, un clic, deux clics, et l’on est quelqu’un de bien, quelqu’un qui pense aux plus démunis, aux plus malheureux, à ceux qui souffrent.

Ce n’est pas que je sois sans cœur, loin s’en faut. De nombreuses causes me touchent, comme beaucoup j’ai perdu des proches et plus qu’à mon tour, mais non, je ne partage pas, je ne fais pas tourner, parce que je veux que l’on agisse pas que l’on affiche… Car au final, combien de ceux qui transmettent et pensent le temps de recoller un texte impersonnel et pré-écrit par on ne sait qui, font quoi que ce soit dans la « vraie vie » ? Comme il est aisé de se reposer sur un copier-coller, pour bien dormir ça doit aider…

Ce sont les formulations qui sont terriblement dérangeantes et qui me poussent à ce billet coléreux, on cherche à culpabiliser celui qui ne s’associe pas au mouvement. Prenons l’exemple de la pensée pour les malades du cancer, que je vous cite : « Un malade du cancer n’a qu’un seul vœux pour 2011 et qu’un seul rêve, celui de guérir… je pense que 97 % des Gens ne copieront pas ceci sur leur mur, mais je pense que mes propres amis seront les 3% qui le feront au moins pour une heure, en souvenir de ceux qui en sont morts (♥) et surtout pour ceux qui le combattent de toutes leurs forces… » Alors quoi ? Si je ne copie pas ce merveilleux message sur mon mur c’est que je ne suis qu’une pourriture qui s’en tamponne de ses morts ? Qui ne pense pas à eux ? Qui se moque royalement du combat contre la maladie ? Et bien non, mes pensées pour mes disparus sont de l’ordre de l’intime et ne s’étalent pas sur un mur virtuel ou sur un mail viral.

Quant à ceux qui inscrivent dans ce type de messages « d’habitude on fait tourner des chaînes qui ne servent à rien » j’adorerais qu’ils m’expliquent en quoi celle-ci a la moindre utilité. Il doit être ravi le SDF que l’on croise chaque matin sans lui tendre la main, que l’on pense virtuellement à lui, ça doit rudement compenser sa faim et réchauffer son corps glacé…