Un collier de perles de rosée

© La Vilaine - Photo par La Vilaine

Ce matin, en buvant mon café sur la terrasse (à force, je suis certaine que vous avez noté que je bois toujours mon café sur la terrasse, qu’il pleuve, vente, neige ou que le soleil en brûle les dalles), j’eus la surprise de découvrir que les araignées avaient redécoré toute la rambarde. Elles avaient en effet tissé une concentration effarante de toiles au centimètre carré, au point que j’aurais pu me penser en plein DT.

Tout en soufflant distraitement sur ma boisson, l’œil pas encore tout à fait rond, j’ai imaginé ce qu’avait pu être leur nuit d’insomnie pour effectuer pareil tour de magie. Avaient-elles échangé quelques mails pour convenir d’un rendez-vous : «Ce soir amies arachnides, pleine lune, temps dégagé, rendez-vous à la brune sur le chalet pour tricoter. Atelier dirigé par Aglaée (experte en réseautage d’araignées), prix de la soirée : deux scarabées.» ?

Avaient-elles cherché à me réjouir, à me réconforter : «Les filles, La Vilaine a un coup de mou, alors cette nuit, je compte sur vous ! On va tout donner, on n’a que quelques heures (elle dort peu pour notre malheur). L’objectif de notre mission : guirlandes de brimborions pour instant d’émotion»?

Était-ce la plus grosse à ma gauche, ou la plus petite tout en bas, qui, peu satisfaite du résultat avait soufflé aux dix autres : «Manque un truc mes papattes… Manque un truc… C’est du bel ouvrage, mais c’est un peu classique, pas bien féérique…», puis tout en se grattouillant le céphalothorax avec l’une de ses six pattes : «Je sais ! Si on profitait de ce brouillard qui ne manquera pas de tomber sur sa matinée, pour enfiler quelques perles de rosée ?»… Sa suggestion avait du lui valoir la foudre de soixante-quatre yeux déjà épuisés, et huit courroucés (Aglaé devait être quelque peu vexée de ne pas être à l’origine de cette brillante idée). Toute la nuit elles ont œuvré, suspendues sous le clair de lune jusque potron-minet, puis elles se sont recroquevillées pour braver l’humidité.

Ce matin, alors que le soleil peinait pour se lever sur ma journée, entre le brouillard et la vapeur s’échappant de mon café, dans l’écrin de bois de la rambarde, les araignées m’avaient laissé un collier de perles de rosée.

Araignée du soir, espoir…

Toile d'araignée - Photo par La Vilaine

Il est des moments dans la vie, où, comme me le souffla un sage lorsque mon cervelet il prit en charge, il convient de se débarrasser de ses croyances idiotes, sous peine de rester comme une sotte, le cœur battant et le souffle court, à contempler les autres jouer dans la grande cour.

De l’adage sans âge aux vœux à peine pieux, nos grands-parents ont distillé dans nos petites oreilles d’enfants, superstitions et coquecigrues, auxquelles non seulement on a cru, mais on a cru bon d’y ajouter, dans un petit coin, à la récré, un chuchotement ici gravé, un rituel à respecter, une ritournelle à se murmurer, le tout formant soyez-en sûrs, une formule à peu près magique aux pouvoirs hautement bénéfiques !

Et insidieusement, quoiqu’on en dise, on se surprend encore parfois, tout adulte que l’on est, à murmurer quelque sortilège en pénétrant pour la première fois dans une église ou en suçotant la première cerise. Tant et si bien, qu’il y a même à présent des sites qui se spécialisent dans le dépôt de vos souhaits les plus secrets, vous jurant qu’ils se réaliseront, croix de bois ! croix de fer ! si je mens, je vais en enfer !

C’est ainsi que votre Vilaine, apercevant une araignée, lui offre un traitement tout à fait différent, selon qu’elle glisse sur le mur un matin, un midi ou un soir (je sais… C’est pathétique et quelque peu sadique…).

Jusqu’à ce jour, où, confortablement installée dans son lit, bouquinant « les 30 jours de Paul Leroux » (merci PJ), la lumière de sa lampe de chevet découpa la silhouette inquiétante d’une arachnide rendue géante, qui avalait clopin-clopant, le peu de distance qui, de la couette, la séparait.

N’écoutant que son courage (et surtout son épouvante à l’idée que la bestiole puisse venir lui chatouiller le front durant la nuit, voire même que dans un bâillement inopportun elle puisse l’avaler !), elle repoussa les couvertures, se hissa sur les fins montants de son lit (il faut vous dire que le traître animal, tentait de s’esbigner vers le plafond, et que La Vilaine manque de hauteur), saisit son ouvrage (désolée PJ), et le bras en l’air, menaçant l’insecte aux pattes géantes, elle lui souffla :

« Araignée du soir espoir, mais j’ai de tout petits espoirs et tu es une bien trop grosse araignée pour les exaucer »

Et sans plus de cérémonie, elle écrasa le livre sur l’animal, qui disparut dans un bruit visqueux sans même avoir eu le temps de plaider sa cause…