L’homme qui ne voulait pas être Président

Infographie par La Vilaine – © La Vilaine

Le premier tour est passé, on en connaît les finalistes, qu’ils nous plaisent ou non. Quant aux résultats du second tour, ils nous parviendront dans une poignée d’heures… Je ne ferai pas de commentaires et encore moins de politique sur ce blog, ce n’est en aucun cas le sujet de ce billet, merci donc d’éviter toute intervention politico-terre-à-terre appelant à la lutte ou à la guerre pour l’un ou tout contre l’autre.

Venons-en donc au sujet : C’est lors d’une apparition télévisée de Philippe POUTOU que m’est venu ce billet (je sais, ça date un peu, mais écrire en PPP, ce n’est pas d’une grande facilité). Interrogé sur ce que ferait ce dernier en cas de victoire, Olivier BESANCENOT répondit par un simple mais on ne peut plus clair : « Il serait pas dans la merde ». Rire franc du candidat revenu à l’écran, regard qui trahit le « tu m’étonnes » qu’il pense de toutes ses forces, La Vilaine s’est alors perdue dans ses pensées…

Imaginons qu’un candidat se présentant sans vouloir devenir président, remporte la victoire par un incroyable hasard (le premier qui, dans les commentaires, m’expose l’impossibilité de pareille probabilité, est prié de se reporter à la définition du verbe « imaginer » de son dictionnaire et aux raison de son absence bien triste d’imaginaire) ? D’abord entre les deux tours… Après avoir découvert avec stupeur sa trombine au journal de 20h00, tenterait-il de se saborder lors du grand débat télévisé ? Ou, toujours hagard, pensant que le second tour ne verrait pas sa victoire, continuerait-il pour la gloriole à remplir consciencieusement son rôle ?

Vers 18h00 le jour du second tour, notre candidat qui ne l’était pas, connaîtrait (car lui, il aurait le droit) les résultats… Malgré tous les sondages, les statistiques les plus sages, le voilà nouvellement propulsé à la fonction qui ne l’a jamais fait rêver. Incrédule, il attendrait en tremblotant l’heure officielle pour s’assurer qu’aucune erreur n’a été commise pour son malheur… Et ensuite quoi ? Fuirait-il en Uruguay ? Simulerait-il son décès ? Ou convoquerait-il la presse pour déclarer « Nan, mais les mecs, arrêtez, je déconnais » ? Aurait-il la possibilité de tout faire annuler ou serait-il totalement coincé, obligé d’assumer ?

Sérieusement, en se présentant, y ont-ils pensé un court instant ? Eux, je ne sais pas, mais moi je pourrais vous faire tout un roman sur l’homme qui ne voulait pas être président…

Tous les hommes sont d’un ennui mortel

C’est ainsi que Simone de Beauvoir aurait pu titrer son roman « Tous les hommes sont mortels ».

Ce livre traite du mythe classique de l’immortalité et d’un homme qui accepte ce cadeau empoisonné. En racontant son histoire à Régine, une comédienne à l’ego si démesuré qui lui est impossible de supporter l’idée même de dormir (car lorsqu’elle dort les gens ont l’outrecuidance de vivre sans elle), il lui démontre l’insignifiance de son existence et nous emmène à travers les siècles d’une histoire qui n’est qu’un recommencement perpétuel.

Et c’est par ce récit assez pessimiste que Simone de Beauvoir nous expose un constat implacable : tous les hommes sont d’un ennui mortel pour qui les regarde avec les yeux du passé. Qui sommes-nous en effet pour nous croire exceptionnels ? Celui qui se targue d’avoir un talent remarquable, sait-il qu’avant lui tant d’autres s’estimaient inoubliables ?  A celle qui rêve de gloire et emploie pour y parvenir toute son énergie, sait-elle que tôt ou tard elle sera emportée à son tour par l’oubli ?

Cet ouvrage soulève mille questions philosophiques, sociologiques, politiques même, et notamment il nous rappelle qu’à l’échelle de l’histoire et de l’univers, nous ne sommes rien que des petits moucherons qui volettent, que notre vie n’est pas plus précieuse, ni plus captivante que celle d’un autre, que notre pitoyable orgueil est pourtant sans fin et qu’il nous pousse à renouveler les mêmes erreurs, à l’infini.

Ce roman est beaucoup de choses et les chemins de réflexion qu’il provoque sont multiples, mais parmi tous les parfums que ses pages ont exhalés lorsque je l’ai refermé, c’est bien le souffle de la leçon d’humilité qui s’est attardé.

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