Explication de textes

Entre les pages

Eh oui, lecteur-parent-d’élève, je continue de te donner des sueurs avec mes titres racoleurs sur fond de rentrée scolaire. Mais comme hier, sois rassuré, le titre, contrairement à ce qu’il laisse présager, n’est pas en lien direct avec ta réunion de rentrée parents-professeur durant laquelle, l’espace d’une soirée, tu te diras que cette année pour ton rejeton, ça devrait aller. Parce que la maîtresse aura encore l’air enjoué du tout début d’année, que le directeur te vendra un programme comme autant de progrès éducatifs inédits et que les sorties scolaires sembleront enfin en adéquation avec tes convictions.

Cependant, contrairement à mon article d’hier sur les équations, c’est bien d’école, de collège et de lycée dont je vais te parler pour servir mon propos. Enfant, j’étais plutôt bonne élève (hormis les mathématiques et la physique, mais ça tu le sais). J’avais un goût tout particulier pour le français (ça aussi, vu que tu es malin, tu le savais) et encore plus prononcé pour la littérature et tout ce qui allait avec (surprise !).

Je me prêtais avec un enthousiasme frisant l’hystérie à tout ce qui était rédaction, lecture et… explications de textes. Là, pour tout te dire et pour vraiment en venir au coeur de mon sujet, si j’aimais décortiquer les écrits des auteurs, aussi loin que je me souvienne, une part en moi ne cessait de se révolter sur ce que l’on pouvait y dénicher : au fond, si ça se trouve, me répétais-je, l’auteur n’a absolument jamais voulu glisser quoi que ce soit d’autre entre les lignes que ce qu’il a écrit. Au fond, ne cessais-je de m’opposer à moi-même, il a juste trouvé que tel mot avec tel mot, c’était beau, sans sous-entendu, sans la moindre once de subliminal ou de subtilité capillotractée. Je brûlais d’avoir la possibilité de contacter l’auteur (chose impossible dans la majorité des cas pour une raison simple : l’auteur était décédé de longue date, on étudie peu les auteurs vivants, c’est embêtant).

Chaque année, je tentais naïvement d’exposer cette objection à l’instituteur ou, plus tard, au professeur et ça m’a poursuivie jusqu’en philosophie où j’ai enfin eu une oreille pour m’entendre et toutes largesses pour argumenter.

Aujourd’hui que j’écris, qu’il s’agisse de mes articles ici, de mes nouvelles publiées ou de mon roman, je suis confrontée à mon tour à l’interprétation de mes propres textes, comme lorsque j’ai été invitée à partager avec des élèves qui étudiaient « Les fleurs roses du papier peint« . Parfois de façon très juste (je suis du genre à glisser de la subtilité capillotractée) et parfois ce que d’aucuns y voient me laisse toute sidérée (je me laisse aussi souvent guider juste par la musicalité).

Une chose est certaine, c’est qu’à chaque fois, je repense à ce petit moi, élève appliquée qui était plutôt douée pour débusquer du sens caché, de la métaphore, de la figure de style et du message déguisé dans le texte d’un auteur tout en ayant l’impression de lui faire dire tout un tas de choses qu’il n’avait jamais pensées.

 

 

L’équation à double inconnues

Equation

C’est la rentrée des classes et tu as le nez encore à peine relevé des couvertures de manuels scolaires, alors forcément, ce titre, limite, tu l’abhorres, tu le vomis, au mieux tu te méfies. Je te rassure, lecteur-parent-d’élève, je ne vais pas t’infliger une énième réunion de rentrée.

Non, je t’ai parlé hier, lecteur, entre autres choses des délices que peuvent représenter l’attente. L’attente qui suit l’action mais, à la réflexion, j’ai eu envie de te causer de celle qui précède l’action. Parce que, de la même manière, elle reste gravée à jamais, parce que, de la même manière, il y a un soi d’avant et un soi d’après, parce que, de la même manière, il y a un tournant.

L’attente avant un entretien important, l’attente avant que le rideau se lève et que tu joues, l’attente avant que tu prennes la parole pour présenter une création, l’attente avant la naissance d’un enfant.

Et puis il y a des attentes plus « banales » mais qui nous marquent tout autant, souviens-toi, lecteur de tous ces moments qui t’ont paru longs tant l’impatience te vrillait les tripes, tant l’inconnue te resserrait la gorge, reviens-y, rappelle-toi. L’attente avant ce premier rendez-vous, l’attente interminable avant le premier baiser, l’attente d’un frôlement qui flinguera ta pariétale ascendante avant d’envoyer valser la table…

Et puis… La toute petite, l’infime, la presque invisible seconde juste avant. La seconde, la milli-seconde, même, où tu décroches le téléphone (étrange expression, à présent), la milli-seconde qui précède le baiser ou l’emballement, le minuscule instant que tu n’as qu’à peine eu le temps de percevoir et qui est pourtant le paroxysme de tout ce qui a précédé et de tout ce qui s’ensuivra. Repenses-y, elle est là, cette milli-seconde, dans un recoin de ta tête aussi infinitésimal que sa durée, mais elle est bien là sous la forme d’un regard brillant, d’une main qui saisit, d’un colossal trois fois rien.

Il y a un avant et un après à toutes ces attentes, il y a un soi d’avant et un soi d’après ces premières fois, c’est l’attente parfois inconsciente du tournant.

Mais si tu y reviens, lecteur, rappelle-toi bien. Ce tournant, on le sent. On sent la différence de ces attentes, on sent qu’elles marquent un tournant pour peu que l’on écoute attentivement son plexus et ses étranges bruissements ; pour peu que l’on entende ce que nous chuchote le reptilien.

C’est ce à quoi j’ai songé hier soir après avoir achevé de t’écrire que « la seule attente qui vaille est celle d’une réponse, d’une suite à donner, de résultats, d’une décision, peu importe tant que l’attente suit l’action », je me dédis donc dans cet article-ci.

Il y a une autre attente des plus précieuses, des plus excitantes et des plus belles, celle qui précède l’action à double inconnu(e)s.

100°C

matière grise en ébullition

100°C, c’est le point d’ébullition.

100°C c’est la température exacte de mon cerveau.

Mon cerveau bouillonne et je manque de temps. Je pourrais t’écrire des pages, cinquante articles à la minute non nuancés de Grey, lecteur ébouillanté. Mais il s’avère que comme toi, comme lui, comme elle, comme nous tous, le retour de vacances m’a plongée droit dans les corvées et tout ce qu’il y a à réaliser pour continuer d’avancer, vent debout.

Point de triangle de Bermudes à emmerdes, il faut replonger dedans tête baissée et enchaîner, à peine rentrés que nous sommes déjà tous sur les genoux à se demander si l’on en verra le bout. Pas vrai ?

Alors bien sûr, on a bonne mine, le teint hâlé mais…

J’ai mille envies, j’ai mille projets, je voudrais tout faire en même temps, être ici et là, partout et tout le temps. Et tout ce qui doit attendre parce que ce n’est pas encore le moment (patience et longueur de temps…).

Alors bien sûr, on ne va pas se plaindre ou râler, on a eu des vacances, c’est bien plus que beaucoup en France (et je ne te parle pas d’au-delà pour ne pas te miner).

Mais là, tout de suite, maintenant, ce qu’il me faudrait c’est du temps (et le don d’ubiquité). Du temps pour poser, refroidir ce cerveau qui ne demande qu’à écrire et créer, me lancer sur le prochain roman qui est déjà presque tout entier dedans.

Alors, bien sûr, je savoure ma chance d’être là, de manquer de temps, au moins je ne m’ennuie pas mais…

Je peine à me concentrer, je divague et diverge.

Tiens, même cet article je ne sais pas comment le terminer, parce que je manque de temps et parce que, dans ma tête, je suis déjà sur le suivant…