Nécrologie d’une machine à écrire

Machine à écrire - Infographie par La Vilaine

Il y a longtemps que je souhaite acquérir une vieille et belle machine à écrire, à la question du « pour quoi faire ? » posée avec l’œil perplexe et le sourcil en accent circonflexe de celui que les nouvelles technologies fascinent, je n’ai pu trouver d’arguments pratiques suffisamment logiques pour ôter le rictus persifleur de mon interlocuteur.

Comment expliquer à qui n’aime dans un objet que son utilité, que la machine à écrire me séduit dans sa forme et dans son bruit, que c’est son côté presque sexy, sa trombine de carabidae mutant, sa charge historique et symbolique qui me procurent ces petits frissons de bonheur, qu’aucune explication ne saurait justifier. Tout comme les gramophones, les livres anciens, et certains instruments de musique, la machine à écrire est pour moi une source intarissable de rêveries. Non, je ne m’en servirai sans doute pas, mais demande-t-on à celui qui veut s’offrir une toile ou une sculpture, l’usage qu’il compte en faire ? On le laisse l’acheter sans le questionner, l’accrocher et la contempler avec un petit sourire satisfait depuis son canapé.

Il y a quelques jours à peine, sortait d’une usine Indienne la toute dernière machine à écrire, et bêtement, en apprenant la fermeture définitive de cette fabrique, j’ai été traversée par une bouffée nostalgique. Même si j’ai parfaitement conscience qu’elle n’écoulait pas sur le marché l’objet tant convoité, dont le tapoti traversait les murs de papier et alertait le voisinage sur l’activité de l’écrivaillon d’à côté, ce côté extinction de l’espèce m’a attristée. Oui je dis bien espèce (à votre tour de jouer du sourcil perplexe), car je l’ai dit plus haut, cet outil ressemble à s’y méprendre (pour peu que l’on laisse son imagination vagabonder et que l’on plisse les yeux) à une petite bête. Et ce n’est pas William Burroughs qui me contredirait s’il en avait encore l’occasion (pour ceux que cette référence laisseraient pantois, lisez le Festin Nu. Dans ce livre, la machine à écrire se transforme au gré des hallucinations et crises de paranoïa de son propriétaire).

J’en étais là de mes réflexions sur cette disparition (enfin presque, pour tout dire, j’ai eu la réflexion longue et les références nombreuses, j’ai le neurone vétilleux), quand j’ai découvert un argument à la hauteur de mon inquisiteur : l’USB TYPEWRITER® ! C’est donc accompagnée d’un « TAAAADAAAA ! » triomphateur que je me présente devant vous avec ce que la technologie peut avoir de plus sensationnel : offrir une seconde vie à un objet remisé au grenier et permettre à votre Vilaine de faire preuve d’une mauvaise foi éhontée par une démonstration probante de l’utilité de l’objet convoité !

9 réflexions au sujet de « Nécrologie d’une machine à écrire »

  1. Bonjour Vilaine.

    Rassures toi tu n’es pas seule à avoir une certaine nostalgie des vieux et beaux objets.
    J’ai moi même encore la timbale et le coquetier en métal argenté du baptême de mon père (77 ans), un vieux couteau de chasseur (non je n’aime pas la chasse) avec des griffes pour extraire les cartouches quand leurs fusils n’avaient pas d’éjecteurs, un très vieux briquet à mèche d’amadou, tellement grand qu’il faudrait une poche comme un sac poubelle pour l’y mettre.
    Oui, j’aime aussi ces vieilles choses qui rappellent l’enfance, leur odeur aussi, de poussière, d’encre ou d’autre chose.

    Amicalement.

    Pascal.

    • Oh je sais Pascal que je ne suis pas la seule, sinon cette idée de redonner une seconde vie à la machine à écrire n’aurait jamais traversé l’esprit de qui que ce soit.

  2. Monstruosité hybride ou mariage érotique pensé par un geek nostalgique ? En tous cas, cette invention, que je ne qualifierai pas de géniale, remplacerait avantageusement l’horreur à la pomme à moitié croquée que tu laisses traîner sur tes genoux !

  3. Lisant ton article je me revois il y a, oh allez, une petite quarantaine d’année passant de Grands moments au Grand Lancy chez Grand-Papa et Grand-Maman alors que j’étais… tout petit. Entre autres crasses que je leur faisais, je me souviens très bien de cette passion à utiliser des deux doigts des deux doigts la vieille Underwood (le nom me revient ) regardant fasciné le mouvement des bras articulés allant frapper le papier par l’intermédiaire d’un ruban noir et rouge un peu désséché. Oui Madame vous l’avez lu, une machine bicolore ! Que le noir vienne à manquer et hop de rouge vous continuiez ! Le nec de la tec de l’époque !

    Tic tic tic tic tic ,
    TADADADADADADADADADADADADADA (barre d’espacement à échappement libre et libéré) épique…

    Entre deux bouchées de biscuits Butterfly agrémentés de cerises et de fraises à gogo, alternant les trois de manière fort intuitive histoire de recréer une place là ou il n’y en avait plus, le mois de juin venu, il m’arrivait même de jouer avec une autre de ces incroyables machines: Une machine à calculer mécanique !!! Appareil incompréhensible au galapiat que j’étais (mais pourquoi l’imparfait?) multipliant des lignes de zéros qui se transformaient en chiffres variés au gré des manettes à manipuler, une espèce de boule d’engrenages de course qui me laisse à penser aujourd’hui qu’un bon calcul sur le coin d’une petite bafouille serait bien plus cool pour multiplier les nouilles, mais en ce temps là je dois l’avouer, elle avait passé sa vie à compter les graines… J’explique, Oui je descend d’une longue lignée de Grande sélection, et Grand-père était marchand-grainier à la rue des Corps-Saints avant de prendre une retraite méritée et puis, de s’en aller.

    Merci de m’avoir ainsi fait , grâce à cet article sympathique repenser à ce passé si vite dépassé ! Alors à se repasser !

  4. Ping : La contorsion du chignon (plaisirs inavouables 1/2) « Littérature et billets d'humeur : Parole de vilaine

  5. Excellent 🙂

    J’ai jeté un regard à une machine à écrire aujourd’hui mais ne sachant ni où la mettre en valeur ni comment négocier avec madame, je ne me suis même pas approché 😀

    Par contre le jour où je tombe sur un gramophone, elle n’aura même pas à objecter 😀

    • Mon Gramo fonctionne, pour un bien il faudrait que je rachète une aiguille (c’est un peu chaotique) mais ça fait rire l’enfant à gorge déployée ! Bonne chance dans tes trouvailles (et tes arguments convaincants pour Madame).

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