La métaphysique du Mou – Jean-Baptiste BOTUL

Botul crée et explore le concept de mouité

On peut s’appeler Botul et n’avoir aucun lien avec la toxine qui raffermit les chairs, ne s’intéresser qu’au mou et en créer un concept : la mouité. Toujours coincée en PPP, votre Vilaine sentait que son esprit se transformant peu à peu en une montre molle de Dali, trouverait dans la Métaphysique du Mou une forme d’écho salutaire. Parmi la pile de « To read » (pile dont la taille semblait devenir menaçante semaine après semaine), j’ai donc extrait ce curieux ouvrage pour renouer avec ma boulimie littéraire dont, par mégarde et mollesse, je m’étais éloignée.

J’aime particulièrement « la petite collection » des éditions les Mille et Une Nuits pour ce qu’elle offre toujours des œuvres originales, méconnues ou difficiles d’accès, dans un format qui lui, est on ne peut plus accessible. Des pamphlets de Swift aux essais de Schopenhauer, je me régale régulièrement de cette collection sans jamais ressentir la moindre nausée. Et une fois de plus j’ai été rassasiée par les saveurs étonnantes de Jean-Baptiste Botul, philosophe méconnu du XXème siècle, n’ayant jamais voulu publier et s’en justifiant par cette délicieuse formule : « Je n’ai pas l’angoisse de la page blanche, j’ai la terreur des pages noircies ».

C’est donc en regroupant des notes prises sur tout et n’importe quoi (ticket de train, serviettes, carnet moleskine, etc.) que ce livre a vu le jour. Et l’on se réjouit que cet auteur de tradition orale se soit tout de même assez inquiété de la transmission de ses idées pour conserver tous ces petits morceaux de papier ! « Comment peut-on transmettre un enseignement oral quand on n’a pas de disciple ? Pas d’oreilles, pas de Socrate ! Les Evangiles, c’est pas fait pour les sourds ! Je n’ai même pas une femme à la maison pour répéter mes secrets aux voisines ! (…) Mes propos philosophiques, faute de disciples, sont aussi volatiles que des arpèges aveugles d’une cornemuse occitane dans le vent de Cers, un samedi de novembre, quelque part du côté de Mouthoumet. Quel gaspillage, tout de même ».

Inspirant Sartre (« Je me repens de mes propos méprisants, ce Sartre a beaucoup de talent pour un nain ») et de Beauvoir, croisant Malraux (« Tiens donc. Nous croisons Malraux, il a la braguette ouverte »), Jean-Baptiste Botul explore le mou, utilise le concept de mouité sur la phénoménologie et teste ses idées sur toutes choses. Le tout donne un ouvrage amusant, bourré de petits aphorismes et de joyeuses expériences « Le sein est un bon paradigme pour illustrer les variations de la mouité (…) En ce qui concerne l’appréhension de la mouité (et son exploration), le geste philosophique complet (j’entends par là ; satisfaisant au réquisit d’une synthèse) est : le tripotage ».

Du fromage en passant par les seins des « petites femmes », l’ouvrage ne cesse de nous étonner et de nous amuser et l’on oublie puis on regrette que ce philosophe ne soit que fictif et donc, forcément absent des programmes scolaires, tant il rallierait à la philosophie, absolument n’importe qui !

Le livre : La métaphysique du mou de Jean-Baptiste BOTUL par Jacques Gaillard, éditions Mille et Une Nuits, 109 pages, 3,50 euros.

ENNEMIS PUBLICS – Correspondance Houllebecq/BHL

Ennemis publics

Voilà que je viens de refermer un ouvrage pour lequel il m’a fallut me battre afin de ne pas me le faire arracher par des collègues et passants envieux. Moi qui ne lit le plus souvent que des ouvrages peu médiatisés, ou « démodés », je viens de découvrir ce que provoque la lecture d’un livre dont tout le monde parle mais que peu ont encore osé acheter.

De mon périple en train, à mon arrivée au bureau, les regards de chacun se sont non seulement portés sur la couverture derrière laquelle mes yeux étaient cachés, mais j’ai pu entendre moult commentaires et questions sur mon passage. Beaucoup en avait entendu parler, et s’empressait de faire bruyamment part de leurs impressions à la suite d’une émission visionnée la veille, espérant ainsi me tirer de ma torpeur et débattre avec celle-qui-lit-le-livre-que-j’achèterais-bien, d’autres m’ont simplement posé LA question (THE big question) : Alors c’est comment ?

Pour les premiers, ces gentils fous ne doivent pas aimer assez les livres pour oser s’imaginer que l’on sort aussi facilement de la bulle littéraire offerte par un bon livre. Non messieurs, dames, je ne vais pas stopper les quelques minutes qu’il me reste avant le terminus pour palabrer avec vous. Je vais dévorer le temps qui m’est imparti goulûment pour avaler quelques pages supplémentaires, je m’en excuse mais je suis une telle amoureuse de l’écriture qu’il n’est tout simplement pas envisageable d’agir autrement.

Pour les seconds, si l’envie m’a taraudée de vous lâcher froidement un « z’avez qu’à l’acheter » le plaisir de prolonger encore un peu le plaisir de ma lecture, le besoin de partager ce que j’aime et ce qui m’émeut, m’a permis de vous répondre certes peu disertement mais de répondre tout de même à quelques unes de vos questions.

Bref ! Oui j’ai aimé, que dis-je ?, adoré cette correspondance Michel Houellebecq/Bernard-Henri LEVY que l’émission Café Littéraire m’a jeté dans les bras. Et pourtant, j’avoue non sans honte ne pas connaître assez bien ces deux auteurs, je n’ai lu qu’un livre de BHL et rien de Houellebecq. Je choisis mes livres animalement, comme je l’ai auparavant décrit c’est l’instinct qui me guide, et c’est ce même instinct qui me fait repousser les auteurs à la mode, ceux que tout le joli monde bobo intellectuel se targue de lire dans les dîners. C’est quasi allergique, sans doute très snob, mais le livre sur toutes les lèvres a un effet stupidement rédhibitoire sur ma petite personne. Je ne lis pas les critiques littéraires, ni les journaux à scandales, pas plus que les magazines féminins, je n’étais donc guère plus avertie du pourquoi du titre de ce livre.

Alors oui, comme me l’ont indiqué certains collègues, on peut sans doute s’offusquer du fait que cette correspondance était calculée pour l ‘édition, en conséquence on peut douter de la totale honnêteté des propos tenus, mais à dire vrai, très rapidement on s’en fout totalement. Tout comme on se moque très rapidement de savoir si l’on aime ou non les deux correspondants, si leurs oeuvres sont ou ne seront pas marquantes pour notre siècle. Pour peu que l’on aime les beaux phrasés, les grands débats d’idée, les aveux à demi-réalisés, on est juste plus qu’heureux de lire deux grands hommes à la culture inimaginable, échanger durant six mois sur des sujets divers et variés.

Je n’ai pas avalé ce livre à la vitesse de certains romans que j’ai tout autant appréciés, ce genre de chose se lit lentement, il faut faire résonner les mots dans son petit cervelet, s’imprégner de certaines théories, s’interroger sur d’autres, trouver un écho en soi. Il faut faire sienne la lenteur telle que définie par Kundera et boire par petites gorgées ce qui y est distillé.
Et l’on retient de petits mots qui deviennent très grands, et l’on a envie de relire Cohen, Malraux, Beaudelaire et tous les autres, et l’on aime à nouveau l’humanité.

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