
Plique-ploquons
C’est l’hiver, tu ne dors pas, tu ne dors plus.
Tu regardes ce temps maussade et passant, un temps à lire du Maupassant, justement. Tes pieds, tes jambes réclament de marcher mais le soleil est devenu flemmard, il se lève bien trop tard, tu peines un peu à te motiver.
Et puis tu réfléchis, au fond puisque tu es debout depuis des heures, plutôt que de tourner en rond autour de la table du salon, autant y aller, tu ne vas tout de même pas te laisser démotiver par trois gouttes de pluie et un peu de bise ?
Alors tu te couvres bien, tu mets des couches (de vêtements, précisons, c’est important) et tu passes la porte en espérant que le vent souffle du bon côté, qu’il te porte, qu’il te pousse. Les premiers pas sont un peu mous, tu n’es pas réveillée de partout et puis, imperceptiblement, tu prends de l’élan, la marche s’allège.
Tu fermes les yeux dans la montée comme si ne rien voir permettait de mieux avancer, et tu avances, en effet, concentrée sur ta respiration, tu tries ta nuit jonchées d’insomnies.
Tu t’étonnes d’avoir chaud, trop chaud et au moment précis où tu fais ce constat, la pluie redouble, le vent se renforce.
Tu découvres ta tête, tu défais tes cheveux, tu stoppes net au milieu du chemin boueux. Visage levé, tu écoutes la pluie plique-ploquer sur tes épaules imperméabilisées, tu sens les gouttes glisser sur tes joues, s’aventurer dans ta nuque et dans ton cou, les mèches autour de ta figure sont détrempées, là, une gouttelette à tes cils vient de s’accrocher, combien de temps va-t-elle s’y attarder ?
Ne bouge plus ! Vois, ressens, ressens comme à cet instant précis tu es vivante, consciente, présente, tout à fait (r)éveillée. Comme la pluie, le vent glacé, pour peu qu’on les laisse nous imprégner, il est possible de les aimer.
Tu reprends ta route, légère et détrempée. Les voitures te croisent en s’affolant des essuies-glace, les phares éberlués par ta mise, personne ne marche sous la pluie à part les folles au caddie, se disent les conducteurs à l’abri de leur pare-brise.
En rentrant, il ne faudra pas traîner, il faudra retirer rapidement les vêtements mouillés, veste, polaire, chaussettes, t-shirt… et foncer sous une douche brûlante pour éviter la fièvre.
Personne ne marche sous la pluie, sauf peut-être les folles au caddie…