Bouge !

Bouge

C’est un frisson qui part du creux des reins, un chuintement léger…

Bouge…

C’est un chuchotement qui remonte par la moelle et la fait vriller…

Bouge…

C’est un mot qui circule dans des veines gelées…

Bouge.

C’est bientôt un cri qui électrise les pieds…

Bouge !

Ce sont des vêtements changés à la va-vite, des baskets tout juste enfilées.

Bouge !

C’est une tension pesante qui claque la porte sans se retourner.

Bouge !

C’est un pas rapide, une course irraisonnée.

Bouge !

C’est suivre ses pieds sans savoir où aller.

Bouge !!

C’est un besoin de corps, une envie de suer.

Bouge !!!

C’est un coeur qui palpite, une poitrine essoufflée.

Bouge !!!!

C’est une douleur aux jambes que l’on a invitée.

Bouge !!!!!

C’est rentrer le souffle court et la peau trempée.

Bouge.

C’est s’allonger au sol et respirer.

Bouge…

C’est une voix qui se tait parce que tu l’as écoutée.

 

Personne ne marche sous la pluie

Plique-ploquons

C’est l’hiver, tu ne dors pas, tu ne dors plus.

Tu regardes ce temps maussade et passant, un temps à lire du Maupassant, justement. Tes pieds, tes jambes réclament de marcher mais le soleil est devenu flemmard, il se lève bien trop tard, tu peines un peu à te motiver.

Et puis tu réfléchis, au fond puisque tu es debout depuis des heures, plutôt que de tourner en rond autour de la table du salon, autant y aller, tu ne vas tout de même pas te laisser démotiver par trois gouttes de pluie et un peu de bise ?

Alors tu te couvres bien, tu mets des couches (de vêtements, précisons, c’est important) et tu passes la porte en espérant que le vent souffle du bon côté, qu’il te porte, qu’il te pousse. Les premiers pas sont un peu mous, tu n’es pas réveillée de partout et puis, imperceptiblement, tu prends de l’élan, la marche s’allège.

Tu fermes les yeux dans la montée comme si ne rien voir permettait de mieux avancer, et tu avances, en effet, concentrée sur ta respiration, tu tries ta nuit jonchées d’insomnies.

Tu t’étonnes d’avoir chaud, trop chaud et au moment précis où tu fais ce constat, la pluie redouble, le vent se renforce.

Tu découvres ta tête, tu défais tes cheveux, tu stoppes net au milieu du chemin boueux. Visage levé, tu écoutes la pluie plique-ploquer sur tes épaules imperméabilisées, tu sens les gouttes glisser sur tes joues, s’aventurer dans ta nuque et dans ton cou, les mèches autour de ta figure sont détrempées, là, une gouttelette à tes cils vient de s’accrocher, combien de temps va-t-elle s’y attarder ?

Ne bouge plus ! Vois, ressens, ressens comme à cet instant précis tu es vivante, consciente, présente, tout à fait (r)éveillée. Comme la pluie, le vent glacé, pour peu qu’on les laisse nous imprégner, il est possible de les aimer.

Tu reprends ta route, légère et détrempée. Les voitures te croisent en s’affolant des essuies-glace, les phares éberlués par ta mise, personne ne marche sous la pluie à part les folles au caddie, se disent les conducteurs à l’abri de leur pare-brise.

En rentrant, il ne faudra pas traîner, il faudra retirer rapidement les vêtements mouillés, veste, polaire, chaussettes, t-shirt… et foncer sous une douche brûlante pour éviter la fièvre.

Personne ne marche sous la pluie, sauf peut-être les folles au caddie…

 

 

Avant que le jour se lève

au point du jour

J’ai toujours affirmé ne pas être « du matin » pourtant, depuis peu, je me lève au point du jour juste pour avoir un temps pour moi, un temps qui ne peut avoir lieu qu’à ce moment-là.

Et je pars. Je vais marcher, vite, d’un pas décidé, je vais respirer le soleil, la nature, même la pluie ne saurait m’arrêter. Au contraire, c’est une douche de l’esprit, une douche de vie.

Et tu n’as pas idée, lecteur, de cette liberté ressentie lorsqu’il fait encore un peu nuit, lorsque personne (ou presque) n’est encore levé, lorsque le chant des oiseaux n’est brisé par rien d’autre que le bruit de ma respiration, celui du vent ou le bruissement des herbes secouées par le passage d’un chevreuil. Tu n’as pas idée comme on se sent en vie.

Ce matin, un coup de folie, un défi : je me suis levée à 4h55 et j’ai convié deux amis chers à partager ma nouvelle manie, à venir me retrouver pour une marche du lever de soleil. Nous n’étions pas las car nous étions là, heureux et souriants.

Je suis rentrée alors que toute la maisonnée dormait encore, en ayant déjà vécu plus de deux heures de partage et d’amitié, un présent précieux… Et je ne sais plus si nous avons regardé le soleil se lever ou si c’est lui qui s’est levé pour nous regarder marcher.