Fiasco ! Des écrivains en scène – Anthologie de Robin Robertson

C’est bon la honte…

Toute personne ayant connu l’expérience de la publication (même la plus confidentielle), à moins d’être dotée d’un ego démesuré, se voit devenir la proie du doute quant à sa légitimité et de la peur quant à la manière dont ses écrits seront lus ou perçus, aimés et critiqués. À cette expérience vient alors se greffer celle de la rencontre avec le lecteur, futur ou déjà acquis. La question de sa venue ou non lors d’une lecture, d’une séance de dédicaces ou d’un salon devient alors une angoisse pénétrante, car l’écrivain comme la starlette voit son amabilité (au sens premier du terme) évaluée à l’aune du nombre d’individus se déplaçant pour le saluer. Inconsciemment reviennent sans doute les réminiscences de l’enfance avec la cour de récré et ses minuscules affronts marqués à la craie : être le dernier choisi pour la balle au prisonnier; attendre seul au milieu des cotillons devant la jolie table en fête pourtant prête à recevoir le gâteau d’un anniversaire pour lequel pas un camarade ne se déplacera…

Alors, quand de célèbres écrivains anglo-saxons confient tous leurs grands moments de solitude dans un bouquin, on se réjouit et l’on tape des mains. Faisant part de leur honte sans aucune concession, ils racontent les salles vides, les lecteurs déçus car venus pour un autre auteur, les bévues commises devant une audience attentive.

Le petit plus de ce livre, que je conseille à tout écrivaillon au bord de la dépression (ou toute personne songeant à s’enterrer vivante après s’être ridiculisée en public), c’est qu’il ne s’agit nullement d’entretiens, mais bien de textes écrits par les auteurs eux-mêmes, dans leur style propre. Si le folio à deux euros vous réjouit (ou si les symptômes de votre dépression persistent), plongez ensuite dans l’anthologie* dont les textes de ce livre sont extraits, pour une dégustation plus complète.

* Hontes. Confessions impudiques mises en scène par les auteurs – Éditions Joëlle Losfeld

Mais que fait la Vilaine ?

Est-elle partie s’exiler dans un recoin de la planète, de plus en plus rare, où Internet n’existe pas ? A-t-elle cessé de lire, de s’intéresser au monde qui l’entoure avec son cynisme habituel ? Ses consultations auprès de son Docteur du cervelet ont-elles vidé son esprit de son joyeux venin ?

Bah non, La Vilaine a honte, mais elle est bien présente, elle lit bel et bien, regarde toujours le monde, s’encombre le cervelet de réflexions inutiles, consulte son blog et rit des termes recherchés qui lui ont amenés des visiteurs perdus (j’en ferai un résumé, promis !) mais ne s’est pas épanchée virtuellement depuis trop longtemps ! Et on ne peut le nier, c’est comme pour le reste, moins on mange, moins on a faim (ceci est valable aussi mesdames pour la bagatelle, gardez bien cela à l’esprit et mangez !).

Donc j’ai lu, car je ne saurais m’en passer, de bons et mauvais ouvrages, mais ne vous citerai que les bons,: Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr, pourtant peu amoureuse des nouvelles, mon vieil ami Hubert m’a encore régalée de son phrasé incomparable, de sa violence poétique (un comble), de son rythme essoufflé ; Le liseur de Bernhard Schlink, qui a répondu à quelques unes de mes réflexions sur l’illettrisme et les enfants des Nazis ; La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel m’a plus que touchée par son histoire mêlant immigration, filiation, Alzheimer et don de soi ; Mr Vertigo de Paul Auster ou l’apprentissage de la confiance envers les autres pour s’élever soi-même (depuis je médite !) ; Lumière d’août de William Faulkner, vous ai-je dit que j’adore cet auteur ? Ah oui…

Donc j’ai regardé le monde qui m’entoure, ai pleuré sur les bonzes Birmans sans trouver les mots qui se précipitaient dans mon cervelet pour exposer ma haine de ces hommes qui sacrifient la quintessence du pacifisme pour quelque argent de plus. D’ailleurs, peut-être est-ce là la raison de mon silence, trop petite, trop rien pour oser l’ouvrir face à ce qui me brûlait les yeux.

Donc j’ai peint, deux toiles, certes, mais il y avait longtemps que je n’avais retrouvé les gestes apaisants du peinturlurage, senti l’odeur de la térébenthine, du fusain, éprouvé la texture de la peinture à l’huile sous mon pinceau (et mes doigts…), cherché le mélange parfait et croisé mon reflet portant les traces d’une peinture un peu trop enthousiaste (héhéhéhé…).

Une leçon personnelle quoiqu’il en soit, à ne pas les mettre assez rapidement par écrit, mes pensées idiotes finissent par s’envoler, navrée d’en avoir privés mes visiteurs, je promets de ne plus m’y faire prendre !

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