Le retour des martinets

J’étends mon linge dans les dernières heures de ce soleil estival, comme toujours durant ces tâches, mon esprit se détache vers d’autres pensées que celle de mes mains qui déploient les vêtements avec soin pour éviter autant que possible la corvée du repassage. Un bruit me sort de ma torpeur, me fige sur place, j’écoute sans respirer comme si la moindre prise d’air était susceptible de rompre mes chances de saisir à nouveau ce son tant attendu. A nouveau il transperce le silence, des sifflements stridents comme un cri percent le ciel. Mon visage s’éclaire, mes yeux s’écarquillent, je ne suis que trop familière de ce chant annonciateur des beaux jours.

Une immense joie m’envahit, une joie d’enfant, une hystérie bienveillante ! En un saut j’enjambe le pas de porte pour me retrouver au milieu du jardin, je cours, je tourne, je virevolte la nuque renversée pour les apercevoir, j’ai le vertige et je m’en moque, je veux les voir car leur passage est furtif et fou. Enfin les voici, dans leur course impétueuse, leur joute aérienne qu’ils renouvelleront chaque soir au coucher du soleil, et je me bercerai du doux rêve que ce n’est que pour me saluer moi, que leur vol m’est dédié à moi qui les écoute en frémissant. Ils sont revenus les martinets de mon jardin, leur ponctualité m’enchante, nous sommes bien en mai puisqu’ils sont là.
Jeune Martinet tombé du nid

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le printemps

SaugeLe printemps est enfin là. J’aime cette saison, la douceur des parfums du jardin commence à se distiller dans l’herbe, les soirées s’allongent, offrant un répit contre le temps. Qu’importe l’heure à laquelle je quitte le bureau, la sensation de m’ensauver de bonne heure est enfin présente. Je marche d’un pas plus lent, comme la majorité des Parisiens que je croise, si pressés d’ordinaire. N’est-ce pas un peu stupide d’ailleurs ? Attendre que le printemps soit là pour prendre son temps ? Et sitôt la saison douce passée, la pluie revenue, chacun repartira de son pas pressé sans contempler le paysage ? Allant d’un point à l’autre, de la maison à la gare, de la gare au bureau, incapables que nous sommes de repérer le moindre détail de notre chemin. Moi-même cheminant chaque jour dans les mêmes rues tel un automate, incapable de les nommer pour indiquer un point de rendez-vous. Honte à moi ! Mais j’oublie comme n’importe qui d’autre mes défauts, prise dans le tourbillon des semaines qui s’enchaînent, des week-ends à organiser du mieux possible en gardant un petit bout, un moindre temps pour profiter de la vie qui file et des gens que j’aime avant qu’ils ne soient plus là ou que je ne sois plus là.

Mais le printemps est là, rentrer chez soi, ouvrir le volet sur la rue, la baie vitrée sur le jardin, toutes les fenêtres, respirer doucement l’air chargé de senteur qui entre dans la maison. Prendre son temps, prendre mon temps, un moment de détente, avoir conscience de ce moment rare, le vivre, l’apprécier. Est-on capables de l’apprécier ? D’apprécier un instant de bonheur quand il a lieu, de le déguster comme un vin rare, de le vivre vraiment, non pas se contenter de le regarder de l’extérieur et d’attendre qu’il se termine pour le regretter ? J’en ai la capacité, je sais m’arrêter pour goûter un moment rare et j’en suis heureuse.

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